Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sait à montrer l’écrit ou à l’expliquer ; car ce refus pouvait fort bien ne venir que de ses tendances obstinées et de son humeur dominatrice. L’unique motif que j’eusse de mettre sa loyauté en doute était le changement que j’avais constaté, à Blackwater-Park, dans son langage et ses façons d’être, changement par lequel il m’était démontré que, pendant tout son temps d’épreuve, à Limmeridge-House, il avait joué un rôle de comédie. Sa délicatesse affectée, cette politesse cérémonieuse qui s’adaptait si bien aux notions particulières de M. Gilmore, sa modestie par rapport à Laura, sa franchise vis-à-vis de moi, ses égards pour M. Fairlie ; tout cela n’avait été que les ruses d’un homme sans honneur, dissimulé, brutal qui, parvenu au but, grâce à sa duplicité, s’était hâté de mettre bas son déguisement, et qui, ce jour-là même, dans la bibliothèque, venait de se révéler franchement à nous.

Je ne dis rien du chagrin que cette découverte me causait par rapport à Laura ; je ne sais pas de mots qui le pussent exprimer. Et je n’en fais ici mention que parce que cette découverte me fit prendre le parti de m’opposer à la signature de l’acte, sans m’inquiéter des conséquences, à moins que ma sœur ne fût préalablement instruite de ce qu’il pouvait contenir.

Dans ces circonstances, nous n’avions plus qu’à nous munir pour le lendemain matin de quelque objection contre la signature ; il fallait que cette objection fût assez bien fondée, légalement ou commercialement parlant, pour ébranler la résolution de sir Percival, et lui donner à penser que, toutes femmes que nous fussions, les exigences de la loi et les droits qu’elle donne nous étaient connus aussi bien qu’à lui-même.

Après avoir mûri cette idée, je résolus d’écrire au seul honnête homme que je jugeai capable, dans le cercle à notre portée, de prêter un utile et discret secours à notre abandon. Cet homme était l’associé de M. Gilmore. — M. Kyrle, — chargé de conduire le cabinet en l’absence de notre vieil ami, que sa santé débilitée avait contraint de quitter Londres. J’expliquai à Laura que les recom-