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cheveux ; — puis, sous prétexte de chercher un livre, j’entrai dans la bibliothèque, voulant y commencer immédiatement mes investigations. Le comte y était assis, occupant de son ampleur le plus vaste fauteuil du château ; il fumait et lisait tranquillement, les pieds sur une ottomane, sa cravate en travers de ses genoux, le col de sa chemise ouvert et rabattu. Et madame Fosco y était assise, comme un bon petit enfant bien sage, à côté de lui sur un tabouret, fabriquant des cigarettes. On ne pouvait soupçonner ni le mari ni la femme d’être sortis, ce soir-là, pour rester tard au dehors, ni d’être revenus précipitamment au château. À peine mes yeux étaient-ils tombés sur les deux époux, que ma visite dans la bibliothèque me parut n’avoir plus d’objet.

À mon entrée, le comte Fosco s’était levé dans un trouble poli, et se hâtait de rattacher sa cravate.

— Oh ! je vous prie, ne vous dérangez pas ! lui dis-je. Je viens tout bonnement chercher un livre.

— Tous les malheureux que le ciel a doués d’un embonpoint pareil au mien, pâtissent singulièrement de la chaleur, dit le comte, qui, du plus grand sérieux, se procurait un peu de fraîcheur au moyen d’un énorme éventail vert. Je voudrais pouvoir changer de tempérament avec mon excellente femme. Elle a aussi frais, dans ce moment, que les poissons de votre grand bassin…

La comtesse se laissa dégeler quelque peu, sous l’influence de la comparaison grotesque dont l’avait honorée son mari : — C’est pourtant vrai, miss Halcombe ; je n’ai jamais chaud, remarqua-t-elle, avec toute la modestie d’une femme, contrainte, après tout, de se reconnaître un mérite des plus rares.

— Est-ce que vous êtes sorties, ce soir, vous et lady Glyde ? me demanda le comte, tandis que, pour sauver les apparences, je prenais je ne sais quel volume sur les rayons de la bibliothèque.

— Oui ; nous sommes sorties pour prendre un peu l’air.

— Puis-je demander, sans trop d’indiscrétion, de quel côté vous êtes allées ?