Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/397

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auprès de lui des amis comme le comte Fosco. Je n’attends rien de sa bonté ni des sentiments affectueux qu’il peut nous porter, à vous ou à moi. Mais il fera tout au monde pour dorloter sa paresse et assurer le repos de sa chère personne. Si, seulement, je parvenais à lui persuader que son intervention actuelle pourra lui épargner dans l’avenir des dérangements inévitables, des ennuis, une responsabilité quelconque, j’obtiendrais bien de lui que, dans son propre intérêt, il se mêlât de nos affaires. Je sais comment il faut le prendre, Laura ! J’ai la pratique de ce caractère à part.

Obtenez seulement de lui que, pour quelque temps, il me laisse retourner à Limmeridge, et vivre là, bien tranquillement avec vous. J’y serai, je le sens, presque aussi heureuse qu’avant mon mariage…

Ces paroles donnèrent un nouveau cours à mes pensées. Pourrions-nous placer sir Percival devant ce dilemme : ou de s’exposer au scandale de l’intervention légale destinée à protéger sa femme contre lui ; — ou de la laisser, sous prétexte d’une visite à son oncle, jouir provisoirement de tous les bénéfices d’une séparation à l’amiable ? Et pourrait-on s’assurer que, réduit à choisir entre ces deux alternatives, il dût nécessairement opter pour la seconde ? La chose était douteuse, plus que douteuse. Et pourtant, si peu d’espoir qu’offrît une pareille épreuve, encore méritait-elle d’être tentée. Aussi, faute de savoir ce que je pourrais faire de mieux, je pris le parti de la risquer.

— Votre oncle, dis-je, sera informé du désir que vous venez d’exprimer ; et en même temps je demanderai, à ce sujet, l’avis de notre jurisconsulte. Il peut en résulter, il en résultera, j’espère, quelque bien…

Je me levai encore une fois, après ces paroles, et Laura, de nouveau, voulut me faire rasseoir.

— Ne me quittez pas !… disait-elle, avec un malaise évident. Mon bureau est sur cette table… Pourquoi n’écririez-vous pas ici ?…

Il m’allait au cœur de lui refuser quoi que ce fût, même dans son propre intérêt. Mais il y avait déjà trop