Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/400

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involontaires, échappées à madame Fosco, et qui me prouvaient qu’en dépit de sa civilité de commande, elle en voulait encore à sa nièce de se trouver à l’état d’obstacle vivant, entre elle et le legs de dix milles livres sterling ; — toutes ces idées firent en même temps irruption dans mon esprit ; toutes me poussaient à parler dans le vain espoir d’atténuer par mon influence, par mon éloquence plus ou moins persuasive, l’imprudente offense de Laura.

— Puis-je espérer que vous m’excuserez, madame Fosco, si je me permets d’aborder avec vous un sujet particulièrement pénible ?…

Elle croisa ses mains devant elle, puis, solennellement, inclina la tête sans prononcer une parole, et, pendant quelques instants sans détourner ses regards des miens. — Lorsque vous avez été assez bonne pour me rapporter mon mouchoir, continuai-je, je crains beaucoup que le hasard ait fait arriver jusqu’à vos oreilles quelques mots prononcés par ma sœur ; ces mots, je ne veux ni les répéter ni les défendre. Je me permettrai d’espérer que vous ne les avez point jugés assez importants pour en entretenir le comte.

— Leur importance, en effet, est nulle à mes yeux, repartit madame Fosco, avec une brusquerie significative. Mais, ajouta-t-elle, prompte à reprendre son attitude glaciale, même quand il s’agit de bagatelles, je n’ai pas de secrets pour mon mari. Lorsqu’il a remarqué, tout à l’heure, que j’avais l’air peinée, mon devoir était, je le regrette, de ne pas lui cacher la cause de mon chagrin ; et je vous avouerai franchement, miss Halcombe, que je la lui ai fait connaître.

J’avais pressenti le coup ; et, cependant, lorsqu’elle prononça ces paroles, je me sentis, de la tête aux pieds, envahir par un froid mortel.

— Souffrez que je vous supplie, madame Fosco,… et que je supplie le comte, avec toute l’ardeur dont je suis capable,… de faire la part de la triste position où ma sœur est placée. Elle parlait tout à l’heure sous le coup des insultes, des injustices que son mari lui a fait subir,