Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/403

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ni père ni frère pour venir dans ce château prendre notre cause en main. Il ne restait donc qu’à écrire ces deux lettres d’une portée si douteuse, — ou à mettre Laura dans son tort, ainsi que moi, et à rendre impossible pour l’avenir toute négociation pacificatrice, en nous échappant secrètement de Blackwater-Park. Pour légitimer cette seconde alternative, il ne fallait rien moins que les dangers personnels les plus imminents. On devait, avant tout, tenter l’épreuve des lettres ; c’est ce qui me les fit écrire.

Je ne parlai point d’Anne Catherick à M. Kyrle, parce que (je l’avais insinué à Laura) ce sujet se trouvait compliqué d’un mystère que je n’avais encore pu éclaircir, et dont il eût été par conséquent, inutile d’entretenir un homme d’affaires. J’abandonnai à mon correspondant le soin d’attribuer, s’il le voulait, à de nouvelles disputes sur les questions d’argent, l’avilissante conduite de sir Percival ; et je le consultai simplement sur la protection que les lois pourraient offrir à Laura, dans le cas où son mari ne voudrait pas permettre qu’elle quittât provisoirement Blackwater-Park et revînt à Limmeridge avec moi. Je le renvoyai à M. Fairlie, pour les détails accessoires de cette dernière combinaison ; je lui donnai l’assurance que j’étais autorisée à lui écrire au nom de Laura, et je terminai en le suppliant de faire pour ma sœur, — comme la représentant, et sans perdre une minute, — tout ce qui lui serait humainement possible.

La lettre à M. Fairlie m’occupa immédiatement après. En invoquant son appui, je fis valoir principalement les motifs que j’avais indiqués à Laura comme les mieux faits pour le tirer de son éternelle torpeur ; je lui envoyai copie de ma lettre à l’avocat, pour lui bien prouver qu’il s’agissait de choses sérieuses ; et je lui présentai notre retraite à Limmeridge comme le seul compromis capable d’empêcher que le péril et le chagrin actuels de Laura n’aboutissent inévitablement, et dans un assez bref délai, à mettre son oncle de moitié dans les embarras qui la viendraient assiéger.