Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand j’eus fini, cacheté, les deux enveloppes, mis les deux adresses, je retournai chez Laura, lui portant les deux lettres pour la bien convaincre qu’elles étaient écrites.

— Quelqu’un vous a-t-il dérangée ? lui demandai-je, quand elle m’ouvrit la porte.

— Personne n’est venu frapper, répondit-elle ; mais, dans la première pièce, j’ai entendu quelqu’un.

— Un homme ou une femme ?

— Une femme. J’ai entendu le bruit de sa robe.

— Le bruit que fait la soie ?

— Précisément ; le « frou-frou » du taffetas…

Madame Fosco était bien évidemment venue monter sa garde. Le mal qu’elle pouvait nous faire directement ne m’inspirait que fort peu de crainte. Mais celui qui pouvait nous venir d’elle, comme instrument zélé des projets de son mari, était trop redoutable pour n’en pas tenir compte.

— Qu’est devenu le bruissement de cette robe quand vous avez cessé de l’entendre dans votre antichambre ? demandai-je à ma sœur. Ne s’en est-il pas allé rasant la muraille tout le long du couloir ?

— Oui ; je restais immobile, l’oreille tendue, et c’est ce qui est arrivé.

— De quel côté allait-il ?

— Du côté de votre chambre…

Je me mis à réfléchir de plus belle. Ce bruit n’avait pas frappé mes oreilles. Mais j’étais alors profondément absorbée par ma correspondance ; de plus, j’ai la main assez lourde, et me sers de plumes d’oie qui grattent bruyamment le papier. Madame Fosco devait entendre le grattement de ma plume bien plus probablement que je ne devais distinguer le frou-frou de sa robe. Encore une bonne raison (si j’en avais eu besoin) pour ne pas risquer mes lettres dans la boîte du vestibule.

Laura me vit pensive : — Encore des difficultés, dit-elle avec accablement. Encore des difficultés, des périls !

— Point de périls, répondis-je. Quelques petits embarras, c’est possible. Je songe au moyen le plus sûr