Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/449

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devait être le dernier « gentleman » de ce bas-monde que l’on viendrait inhumainement tracasser de difficultés privées et d’affaires de famille. Erreur complète, je vous assure, en ce qui me concerne.

J’étais donc là, étendu parmi mes trésors artistiques, et ne demandant qu’à passer une matinée paisible. Puisque une matinée paisible m’était nécessaire, je devais naturellement m’attendre à voir arriver Louis qui, effectivement, envahit mon cabinet. Il était parfaitement naturel de lui demander en vertu de quel infernal caprice il se permettait d’entrer sans que je l’eusse sonné. Rarement il m’arrive de jurer (c’est une habitude si vulgaire !) mais Louis m’ayant répondu par une grimace, j’imagine qu’il était fort simple de l’envoyer au diable pour une pareille impertinence. Dans tous les cas, c’est ce que je fis.

Ce traitement rigoureux, je l’ai remarqué, rappelle invariablement à elles-mêmes les personnes placées sur les bas degrés de l’échelle sociale. Il rendit à Louis la conscience de lui-même. Ce garçon eut l’obligeance d’en finir avec ses grimaces, et de m’informer qu’une « jeune personne » était à la porte, demandant à me voir. Il ajoutait, avec cet odieux bavardage qui est le propre de nos serviteurs, que cette jeune personne s’appelait Fanny.

— Qui est Fanny ?

— C’est, monsieur, la femme de chambre de lady Glyde.

— Quelle affaire peut avoir avec moi la femme de chambre de lady Glyde ?

— C’est une lettre, monsieur…

— Prenez-la !

— Elle refuse, monsieur, de la remettre entre d’autres mains que les vôtres.

— Et de qui est cette lettre ?

— De miss Halcombe, monsieur…

Des que j’entendis le nom de miss Halcombe, je me résignai. C’est une habitude que j’ai prise de céder toujours à miss Halcombe. L’expérience m’a prouvé que je