Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/461

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supposé, mais celles de la chère Marian. Des inquiétudes toujours, soit d’un côté, soit de l’autre. Hélas !

— Faites-le entrer ! soupirai-je avec résignation.

Le premier aspect du comte me mit réellement hors de moi. Sa prestance était d’une ampleur tellement inquiétante que, pour tout de bon, je tremblai. Il me parut inévitablement appelé à ébranler le parquet, à renverser de tous côtés mes trésors d’art. Ces deux craintes, pourtant, se trouvèrent chimériques. Le comte portait un frais costume d’été ; son attitude était délicieusement modeste et calme ; — il avait un charmant sourire. Le premier effet qu’il produisit sur moi, lui fut tout à fait favorable. L’aveu que je risque ici, — la suite des événements se chargera de le prouver, — ne fait pas un bien grand honneur à ma pénétration ; mais j’obéis à ma candeur naturelle, et, sans m’inquiéter des conséquences, je constate mon erreur.

— Permettez-moi, monsieur Fairlie, d’être moi-même mon introducteur, me dit-il, à peine entré. J’arrive de Blackwater-Park ; j’ai l’honneur et le bonheur d’être l’époux de madame Fosco. Je tirerai de cette circonstance l’unique avantage que je prétende lui devoir, en vous suppliant de ne pas m’accueillir tout à fait en étranger. Veuillez ne vous déranger en aucune façon ; — veuillez ne pas bouger de votre fauteuil !

— Vous êtes mille fois bon, répliquai-je. Que n’ai-je la force de me lever ? Charmé de vous voir à Limmeridge. Veuillez prendre vous-même le siège que je serais heureux de vous offrir.

— Je crains que vous ne soyez souffrant aujourd’hui, me dit le comte.

— Aujourd’hui comme toujours, lui répondis-je. Je ne suis guère qu’un faisceau de nerfs habillé en homme.

— J’ai approfondi dans mon temps maint et maint sujet, remarqua ce personnage éminemment sympathique, et entre autres, cette inépuisable matière des maladies névralgiques. Hasarderai-je une suggestion, bien simple en apparence, mais qui dérive des observations les plus