Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/59

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nain, en ébène, décoré d’argent, étalait dans ses tiroirs ouverts, garnis de velours rouge foncé, plusieurs couches de médailles de toutes dimensions et de toutes formes. Un de ces tiroirs reposait sur la petite table fixée au bras du fauteuil ; tout auprès étaient quelques menues brosses de joaillier, un pinceau et un petit flacon de liquide tout prêts à être employés, selon leurs usages divers, à nettoyer les petites souillures accidentelles qui viendraient à être découvertes sur les précieuses médailles. Au moment où je m’avançais jusqu’à une distance respectueuse, et où je m’arrêtais pour saluer mon nouveau patron, ses doigts blancs et frêles jouaient négligemment autour d’un petit fragment de métal que j’aurais pu prendre, ignorant comme je l’étais, pour quelque sale monnaie d’étain, fort déchiquetée sur ses tranches.

— Charmé de vous posséder à Limmeridge, monsieur Hartright, me dit-il, d’une voix plaintive et coassante, qui combinait assez désagréablement, des notes aiguës et fausses avec un débit somnolent et paresseux. Asseyez-vous, je vous prie, et, s’il vous plaît, ne vous donnez pas la peine d’avancer ce fauteuil… Dans le déplorable état où sont mes nerfs, toute espèce de mouvement me cause une souffrance indicible… Vous a-t-on montré votre atelier ?… Cette pièce vous convient-elle ?

— J’en sors à l’instant, monsieur Fairlie, et je puis vous assurer…

Au milieu de la phrase commencée, il m’arrêta court en fermant les yeux et en levant, par un geste de supplication, l’une de ses petites mains blanches. Fort surpris, je n’ajoutai pas un mot, et la voix coassante m’honora de l’explication que voici :

— Veuillez m’excuser, de grâce !… mais, s’il vous était possible de modérer tant soit peu votre voix… Le misérable état de mes nerfs fait que tout bruit un peu fort me cause des tortures inimaginables… Vous excuserez un pauvre malade… Je ne vous dis là que ce qu’il me faut répéter à tout le monde, dans l’état lamentable de ma triste santé… Oui, n’est-ce pas ?… et maintenant, je vois que la pièce en question est à votre goût, n’est-il pas vrai ?