Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/608

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don sans y être découvertes, elles vivaient un peu en dehors du village, dans le cottage d’une respectable veuve qui avait une chambre à louer, et dont mistress Clements s’était autant que possible assuré la discrétion, tout au moins pendant la première semaine. Elle avait aussi lutté de son mieux pour qu’Anne se contentât tout d’abord d’écrire à lady Glyde. Mais le complet avortement de la lettre anonyme, naguère envoyée à Limmeridge, avait inspiré à la pauvre fille l’inébranlable résolution de parler, cette fois, et de marcher seule à l’accomplissement de sa mission.

Mistress Clements, néanmoins, la suivit secrètement toutes les fois qu’elle se rendait au lac ; — mais sans se hasarder assez près de l’embarcadère pour être témoin de ce qui s’y passa. Lorsque Anne revint pour la dernière fois de ce périlleux voisinage, la fatigue causée par des courses réitérées, dont chacune passait la mesure de ses forces, venant se joindre à l’épuisement produit par l’agitation dont elle avait souffert, amena le résultat que mistress Clements n’avait jamais cessé de redouter. De nouvelles angoisses dans la région du cœur et les autres symptômes qui avaient appelé l’attention du médecin de Grimsby, reparurent à la fois ; Anne fut obligée de garder le lit et de rester enfermée dans le « cottage ».

En pareille occasion, il fallait d’abord, — et mistress Clements le savait par expérience, — calmer chez la malade ses anxiétés d’esprit ; et, dans ce but, l’excellente femme se rendit elle-même au lac, le lendemain, pour tâcher d’y rencontrer lady Glyde (qui très-certainement, à ce que disait Anne, ne manquerait pas de venir tous les jours à l’embarcadère), et d’obtenir qu’elle voulût bien pousser secrètement sa promenade jusques au cottage voisin de Sandon. Arrivée aux limites extérieures des plantations, mistress Clements rencontra, non pas lady Glyde, mais un gentleman de haute et forte taille, d’un âge déjà mûr, et tenant un livre à la main, — en d’autres termes, le comte Fosco.

Ce digne homme, après l’avoir examinée pendant un moment avec beaucoup d’attention, lui demanda si elle