Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/643

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rougeur rapide ; ses mains mobiles s’arrêtèrent un instant, et tout ceci semblait présager un soudain éclat de colère qui la mettrait momentanément hors de garde. Mais non ; — elle dompta l’irritation naissante, s’adossa dans son fauteuil, croisa ses bras sur sa large poitrine et, avec un sourire de sinistre sarcasme arrêté sur ses lèvres épaisses, elle me regarda aussi obstinément que jamais.

— Ah ! je commence à tout comprendre, maintenant… Et sa colère contenue, disciplinée, ne se révélait que par la raillerie contrainte de son accent et de son attitude… Vous avez contre sir Percival Glyde une rancune à vous personnelle… et je dois vous aider à l’assouvir. Il faut, n’est-il pas vrai ? que je vous raconte ceci, cela, ou autre chose encore, sur le compte de sir Percival et sur le mien ? Vraiment oui ? Vous avez fouillé dans ma vie privée. Vous croyez avoir trouvé une femme perdue, et dont vous ferez tout ce que bon vous semblera ; qui vit ici par tolérance et ne doit vous rien refuser, de peur que vous ne lui fassiez tort dans l’opinion des gens de la ville. Je vous comprends, et aussi votre ingénieuse spéculation… Je la comprends, et elle m’amuse… Ah ! ah !

Elle s’arrêta un moment ; ses bras se roidirent sur sa poitrine, et elle continua de rire à part elle, — d’un rire âpre, violent, irrité.

— Vous ne savez pas comment j’ai vécu ici, et ce que j’ai fait ici, monsieur… monsieur Je-ne-sais-qui, continua-t-elle. Je vous le dirai avant de sonner pour qu’on vous reconduise. Je suis arrivée ici, victime de la calomnie ; je suis arrivée ici, dépouillée de ma bonne réputation, et bien décidée à la reconquérir. Il m’a fallu, pour cela, des années et des années… mais je l’ai reconquise. J’ai lutté avec les gens investis du respect public, loyalement, ouvertement, sur leur propre terrain. Je suis maintenant placée assez haut, dans cette ville, pour me regarder comme hors de votre atteinte. « Le prêtre m’ôte son chapeau. » Ah ! ah ! vous ne comptiez pas là-dessus, quand vous vous êtes décidé à venir ? Allez à l’église, et