Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/654

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extérieure ; d’autres avaient été livrées purement et simplement aux lents ravages du temps ; quelques-unes, enfin, étaient encore habitées par des personnes appartenant, bien évidemment, à la classe la moins fortunée. Le tout offrait un tableau assez triste, et cependant, avec les pires dehors de la ruine, moins désolé que n’était celui de la ville neuve d’où je sortais. Ici du moins, l’œil avait pour se reposer le vaste espace des champs aux teintes brunes, sur lesquels la brise courait librement ; les arbres, ici, même dépouillés de leurs feuilles, variaient la monotonie du paysage, et faisaient rêver aux chaleurs de l’été, aux ombrages futurs.

En m’écartant du chevet de l’église, je passai devant plusieurs des cottages démantelés, où j’espérais trouver quelqu’un en état de m’indiquer le clerc de la paroisse. Je vis alors deux hommes qui, s’abritant d’un mur et se donnant l’air de flâner, me suivaient assidûment. Le plus grand des deux, gaillard robuste, velu comme un garde-chasse, — m’était tout à fait inconnu ; l’autre était un des individus qui m’avaient déjà suivi à Londres, au moment où je quittais l’étude de M. Kyrle. Je l’avais particulièrement remarqué, cette fois-là, et me sentais bien certain de ne pas me méprendre en constatant son identité.

Ni lui ni son compagnon ne tentèrent de me parler, et tous deux se tenaient à une distance respectueuse ; mais le motif de leur apparition dans le voisinage de l’église n’avait rien d’obscur pour moi. C’était bien ce que j’avais supposé ; sir Percival me savait là, et m’attendait. Ma visite à mistress Catherick lui avait été dénoncée, la veille au soir, et ces deux hommes avaient été mis aux aguets, près de l’église, dans la prévision de mon arrivée au Vieux-Welmingham. Si j’avais eu besoin d’une preuve de plus pour me confirmer dans l’idée que mes investigations étaient enfin sur la bonne voie, la manière dont j’étais maintenant surveillé me l’aurait à coup sûr fournie.

Je continuai à marcher, m’éloignant toujours de l’église, jusqu’à ce que j’arrivasse devant une des maisons habitées, pourvue d’un jardin potager où travaillait un