Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/677

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nous ne pûmes nous empêcher de tressaillir. Les tours et détours de ma course m’avaient fait longer, à mon insu, les limites extérieures du village, et m’avaient conduit à son autre extrémité. J’étais de retour au Vieux-Welmingham ; et l’homme à la lanterne n’était autre que ma connaissance du matin, le clerc de paroisse.

Il me parut singulièrement changé depuis que je l’avais perdu de vue. Sa physionomie était soupçonneuse et troublée ; ses joues fleuries avaient tourné au rouge sombre, et ses premières paroles, quand il ouvrit la bouche, me parurent tout à fait inintelligibles.

— Où sont les clefs ? demanda-t-il. Est-ce que vous les avez prises ?

— Quelles clefs ? répondis-je à mon tour. J’arrive à l’instant de Knowlesbury. De quelles clefs voulez-vous parler ?

— Les clefs de la sacristie. Dieu nous vienne en aide ! que vais-je faire ? Plus de clefs ! entendez-vous ! criait le vieillard qui, dans son agitation, brandissait vers moi sa lanterne ; les clefs sont perdues !

— Comment ? quand ? qui les a prises ?

— Je ne sais pas, dit le clerc promenant dans l’obscurité ses yeux hagards. Je ne fais que de rentrer. Ce matin, je vous disais que j’avais devant moi une longue journée de travail… J’ai fermé la porte à clef, j’ai fermé la fenêtre… elle est ouverte, maintenant ; la fenêtre est ouverte… Voyez !… Quelqu’un est entré par là pour prendre les clefs…

Tout en parlant ainsi, le pauvre homme s’était tourné vers la fenêtre toute béante. Dans ce mouvement la petite porte de la lanterne sortit de ses gonds ; et le vent tout aussitôt éteignit la lumière.

— Rallumez ! lui dis-je, et courons ensemble à la sacristie !… Vite, vite, hâtez-vous !…

Et je le poussai dans la maison. La trahison à laquelle je devais m’attendre, la trahison qui pouvait m’enlever tout l’avantage gagné jusqu’alors, s’accomplissait peut-être en ce moment. J’étais si impatient d’arriver à l’église qu’il me fut impossible de rester inactif dans le cottage,