Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/69

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méditer votre réponse !… Votre hésitation me suffit… Je lis sur votre visage qu’il était, en effet, plus nerveux que d’habitude ; et, comme je ne me soucie pas de vous mettre dans le même état, je ne vous en demanderai pas davantage…

Les détours du sentier que nous suivions, tandis qu’elle parlait ainsi, nous amenèrent insensiblement devant un joli pavillon, bâti en bois et affectant, en miniature, les formes d’un chalet suisse. L’unique chambre de ce pavillon, où nous arrivâmes en montant quelques marches, était occupée par une jeune dame. Elle se tenait debout près d’une table rustique, contemplant au dehors les perspectives étendues que lui offrait une trouée habilement pratiquée parmi les arbres, et d’un doigt distrait, tournant les feuilles d’un petit album posé à côté d’elle. — J’avais devant moi miss Fairlie.

Comment la décrire ? comment séparer son image des sensations qu’elle produisait en moi et du souvenir de tout ce qui est arrivé dans ces derniers temps ? comment la revoir telle qu’elle m’apparut d’abord, — telle que je la voudrais montrer à ceux qui vont la retrouver dans ces pages ?

Au moment où j’écris, le portrait à l’aquarelle où, un peu plus tard, je représentai Laura Fairlie dans le même lieu, dans la même attitude où je l’avais vue pour la première fois, ce portrait est là, sur mon bureau. Je le regarde, et sur le fond brun des boiseries du pavillon, une blonde jeune fille, vêtue d’une simple robe de mousseline aux larges raies bleues et blanches, se détache, rayonnante comme l’aurore. Une écharpe de la même étoffe enserre, dans ses plis brisés, ses épaules rondes ; un petit chapeau de paille, simplement garni d’étroits rubans qui assortissent la robe, couvre sa tête, et sur le haut de son visage projette je ne sais quelle douce teinte ambrée. Sa chevelure est d’un brun si atténué, si pâle, — ni tout à fait blonde comme le chanvre, ni tout à fait éclatante comme l’or, qu’elle se perd presque, çà et là fondue avec l’ombre du chapeau. Elle est simplement séparée et rejetée vers les oreilles, ses masses ondulent