Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/699

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tapage. Et je n’avais encore ni montre ni chaîne d’or, ce qui en était une autre, plus déterminante que la première. Et, la veille même de ce jour, il m’avait promis de me faire venir de Londres la montre et la chaîne, — troisième raison, la meilleure de toutes. Si j’avais su ce que la loi regardait comme un crime, et de quelles peines elle le frappait, j’aurais pris pour moi toutes les précautions convenables, eussé-je dû le compromettre en temps opportun. Mais j’ignorais tout, — et j’avais grande envie de la montre d’or. Je n’insistai donc que sur un point, qui fut d’être mise en confidence et au courant de toutes choses. J’étais alors aussi curieuse de ses affaires que maintenant vous l’êtes des miennes. Il accepta mes conditions ; — pourquoi ? vous allez le savoir tout à l’heure.

Le récit qui va suivre est le résumé de ce qu’il me dit. Ce ne fut pas de son plein gré qu’il me raconta tout ce que je vous apprends ici. J’obtins, à force de persuasion, une partie de ces détails ; à force de questions, je lui en arrachai quelques autres. J’étais bien décidée à savoir toute la vérité, et je crois que je finis par l’obtenir.

Pas plus que tout autre il n’avait su ce qui en était des relations établies entre son père et sa mère jusqu’après la mort de celle-ci. Son père, alors, lui confessa les choses, promettant de faire pour lui tout ce qui serait humainement possible. Il mourut ensuite, n’ayant rien fait, — pas même son testament. Le fils (qui pourrait l’en blâmer ?) pourvut sagement à ses propres destinées. Il revint immédiatement en Angleterre, et prit possession du domaine. Personne n’était là pour le soupçonner, personne pour faire obstacle à ses desseins. Son père et sa mère avaient toujours vécu comme mari et femme ; et parmi leurs connaissances, en bien petit nombre, personne ne s’était jamais douté qu’un lien moins sacré les unît. L’individu qui, la vérité connue, aurait eu des droits à faire valoir sur le domaine, était un parent éloigné qui n’avait jamais songé à pareille bonne fortune, et qui était en mer à l’époque où décéda le père du gentleman en question. Jusque-là, donc, nulle difficulté ; — son entrée en jouissance parut dans le cours régulier des choses. Il n’avait à