Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/711

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assez fine pour découvrir aussi la part qu’il avait eue à son emprisonnement. Le résultat fut qu’en se rendant à l’Asile, elle vomit feu et flamme contre lui, dans un accès de colère frénétique, et la première chose qu’elle dit à ses gardiennes, quand elles furent parvenues à la calmer fut « qu’on l’avait emprisonnée parce qu’elle connaissait le secret du gentleman et que, le moment venu, elle ouvrirait la bouche pour le perdre à jamais. »

Peut-être vous aura-t-elle tenu le même langage, quand vous commîtes l’étourderie de favoriser son évasion. Du moins est-il certain (je l’ai appris l’été dernier) qu’elle s’exprima ainsi devant la malheureuse femme mariée naguère à ce doux gentleman anonyme qui vient de mourir. Si vous, ou cette infortunée, aviez questionné ma fille de plus près, en la pressant de vous expliquer ce qu’au fait elle voulait dire par là, vous lui auriez vu perdre, à l’instant même, toute son importance d’emprunt, et ne savoir que dire, et s’agiter, et divaguer ; — vous auriez enfin constaté que tout ce que j’écris ici est la vérité pure. Elle savait qu’un secret existait : — elle connaissait les personnes à qui ce secret importait le plus ; — elle savait, s’il venait à être découvert, sur qui retomberait sa découverte ; — mais, en dehors de cela, quelques airs importants qu’elle ait pu se donner, à quelques vaines bravades qu’elle ait pu se complaire devant les étrangers, elle n’a pas su autre chose jusqu’au jour de sa mort.

Ai-je bien satisfait toutes vos curiosités ? J’ai pris, dans tous les cas, assez de peine pour en arriver là. Je ne vois réellement pas autre chose que j’aie à vous dire sur mon compte ou sur celui de ma fille. Mon plus grand fardeau de responsabilité, en ce qui la concernait, me fut enlevé quand je l’eus une fois logée à l’hospice. Je reçus, dans le temps, une formule de lettre, touchant les circonstances dans lesquelles elle avait été enfermée, pour répondre à miss Halcombe qui voulait savoir à quoi s’en tenir là-dessus, et qui a dû entendre, à propos de moi, une fière quantité de mensonges, débités par certaine langue à qui la vérité ne fut jamais familière. Plus tard, je fis ce que je pouvais pour retrouver ma fille qui s’était