Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/724

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

longtemps que je l’ai pu ; mais ses regards, ses actions, m’imposent la conviction de cette flétrissante vérité. J’ai vu s’humecter les yeux de ce monstre pendant qu’il me parlait ainsi ; — oui, Walter, je les ai vus. Il m’a déclaré qu’au moment de signaler notre maison au docteur, l’idée du chagrin où me plongerait ma séparation d’avec Laura, et de la responsabilité que j’allais encourir si la justice me demandait compte de son évasion, l’avait amené à risquer une seconde fois, pour mon compte, tous les dangers que vous pourriez lui faire courir. Il ne me demandait, en échange, que de ne point oublier ce sacrifice, et, dans mon propre intérêt, de contenir les effets de votre propre témérité. — Ces intérêts si chers, ajouta-t-il, il lui serait interdit, une autre fois, d’y avoir encore égard… Je n’ai point fait avec lui un marché pareil ; je serais morte plutôt. Mais, que vous le croyiez ou non, qu’il ait dit ou non la vérité, en affirmant que, sous un prétexte quelconque, il a renvoyé le docteur, — il y a quelque chose de certain ; c’est que j’ai vu cet homme le quitter sans lever les yeux sur notre fenêtre, sans regarder du côté de notre maison.

— Je le crois, Marian. Les hommes les meilleurs ne sont pas absolument conséquents en faisant le bien. Pourquoi les plus méchants le seraient-ils en faisant le mal. Je le soupçonne, en outre, d’avoir voulu vous effrayer par des menaces d’une exécution difficile ou impossible. Maintenant que sir Percival est mort, maintenant que mistress Catherick est libre de tout contrôle, je doute qu’il puisse nous tourmenter beaucoup à l’aide du propriétaire de l’hospice. Mais poursuivons. Qu’a dit le comte à mon sujet ?

— C’est en dernier lieu qu’il a été question de vous. Ses yeux alors se sont éclairés et ont pris une expression plus dure ; son attitude est redevenue ce que je l’avais vue autrefois, ce mélange d’impitoyable résolution et de raillerie vantarde qui le rend si difficile à pénétrer : « Mettez M. Hartright sur ses gardes, me disait-il, du ton le plus hautain qu’il puisse prendre. Il a affaire, maintenant, à un homme de tête, à un homme pour qui les lois et