Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/727

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sais du message du comte, et ce que j’entendais faire, à présent que ce message m’avait été transmis.

— Depuis mon entrevue avec M. Kyrle, il ne s’est pas écoulé, Marian, beaucoup de semaines. Au moment où nous nous séparions, lui et moi, les dernières paroles que je lui fis entendre, au sujet de Laura, furent celles-ci : « La maison de son oncle s’ouvrira pour la recevoir, en présence de tous ceux qui suivirent jusqu’au tombeau les funérailles trompeuses ; le mensonge qui constate sa mort sera publiquement effacé de la pierre funéraire, par ordre du chef de famille ; et les deux hommes qui lui ont infligé un tort si grave me rendront compte, à moi, de leur crime, puisque la justice qui siège dans les tribunaux se montre impuissante à les poursuivre. » Un de ces hommes est déjà soustrait ici-bas, à toute atteinte, mais l’autre survit ; ma résolution survit aussi…

Ses yeux brillèrent, son teint s’anima. Elle n’ouvrit pas la bouche ; mais je vis sur son visage qu’elle sympathisait avec moi très-complètement.

— Je ne me dissimule point, continuai-je, et ne veux point vous dissimuler davantage que nous avons devant nous une perspective plus que douteuse. Les risques déjà courus par nous ne sont peut-être que des bagatelles, comparés à ceux qui nous menacent dans l’avenir ; mais malgré tout, Marian, l’aventure sera tentée. Je ne suis pas téméraire à ce point que je me veuille mesurer avec un homme comme le comte, avant de m’être préparé en conséquence. J’ai appris à patienter ; je puis attendre une occasion favorable. Laissons-lui croire que son message a produit tout l’effet qu’il en attendait ; qu’il ne sache rien de nous, qu’il n’entende plus parler, de nous ; donnons-lui tout le temps de se croire à l’abri ; sa nature fanfaronne et vantarde, — ou je le connaissais bien mal, — hâtera ce résultat. Voilà déjà une raison pour attendre ; mais il en est une autre, encore plus importante. Avant de jouer nos dernières cartes, il faudrait, Marian, que ma position vis-à-vis de vous et vis-à-vis de Laura fût plus forte qu’elle ne l’est maintenant…

Elle s’appuya contre moi, me regardant avec surprise.