Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/738

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m’attendais, déjà depuis quelques jours, que vous y feriez allusion. Il faut, Walter, que quelque chose change dans notre petit intérieur ; nous ne pouvons pas continuer à vivre ainsi. Je le vois aussi clairement que vous, — aussi clairement que Laura le voit elle-même, quoiqu’elle n’en dise rien. À quel point le temps passé, le temps du Cumberland, semble nous être rendu ! Nous voici, vous et moi, réunis encore ; et, comme jadis, c’est à Laura que nous songeons tous les deux. Il me serait aisé de me figurer que cette chambre est le kiosque de Limmeridge, et que ces vagues, là-bas, brisent sur nos côtes natales.

— Dans ce temps-là, répondis-je, c’étaient vos conseils qui me guidaient, et maintenant, avec une confiance dix fois plus grande, j’y soumettrai encore ma conduite…

Elle ne répondit qu’en me pressant la main. Je la vis profondément touchée de l’allusion que je faisais au passé. Nous étions assis près de la fenêtre, et tandis que je parlais, tandis qu’elle écoutait, nous voyions, épandue sur la majesté de la mer, l’éclatante lumière du soleil.

— Quoi qu’il puisse arriver de cet entretien confidentiel, lui dis-je, et soit qu’il doive finir par me rendre heureux ou malheureux, les intérêts de Laura resteront ceux auxquels ma vie se subordonne. Quand nous partirons d’ici, en quelques termes que nous soyons alors, j’emporterai à Londres, aussi certainement que j’irai moi-même, la détermination d’arracher au comte Fosco cet aveu que je n’ai pu obtenir de son complice. Ni vous ni moi ne pouvons dire ce que fera contre moi, cet homme une fois mis au pied du mur ; nous savons seulement, par ses propres paroles et par ses actions, qu’il est capable de chercher à m’atteindre en frappant Laura, sans une minute d’hésitation, sans une minute de remords. Dans notre position actuelle, je n’ai sur elle aucun droit que la société sanctionne, que la loi reconnaisse, pour m’aider à résister, pour m’aider à la protéger contre lui. Ceci me place dans une condition sérieusement inégale à celle de mon antagoniste. Si je dois combattre pour notre cause, vis-à-vis du comte, et puiser une partie de ma force dans