Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/751

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contre son cœur, tenant la plus grosse lorgnette que j’aie jamais vue.

— Êtes-vous prêt ? lui demandai-je.

— « Right-all-right », répondit Pesca.

Là-dessus, nous partîmes pour le spectacle.


V


On venait de jouer les dernières notes de l’introduction, et les stalles du parterre étaient toutes remplies lorsque nous entrâmes dans la salle, Pesca et moi.

En revanche, il y avait abondance de places dans le couloir qui entoure le parterre, — et c’était précisément là le poste qui convenait le mieux au but que je m’étais proposé en venant assister à cette représentation. J’allai d’abord me placer contre la barrière qui nous séparait des stalles, et mes yeux cherchèrent le comte dans cette partie du théâtre. Il ne s’y trouvait pas. En revenant le long du couloir, à main gauche de la scène, et en regardant avec attention autour de moi, je le découvris au parterre. Il occupait une excellente place, bien centrale, au troisième rang derrière les stalles. Je me mis exactement sur la même ligne que lui, Pesca demeurant à mon côté.

Le professeur ne savait pas encore dans quel but je l’avais emmené au spectacle, et s’étonnait un peu que nous ne nous rapprochassions pas de la scène.

On leva le rideau, l’opéra commença.

Pendant tout le premier acte, nous gardâmes nos positions ; le comte, absorbé dans l’orchestre et le chant, ne jeta pas même de notre côté, un regard fortuit. Pas une note de la délicieuse musique de Donizetti n’était perdue pour ce fin connaisseur. Dominant tous ses voisins, il souriait, et sa tête colossale, de temps en temps, applaudissait par un mouvement sympathique. Lorsque les gens qui l’entouraient se permettaient de couvrir d’applaudis-