Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/753

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Celui-ci s’était levé comme les autres, et à l’aide de sa lorgnette examinait avec majesté la foule brillante qui peuplait les loges. Tout d’abord, il nous tournait le dos ; mais, à la longue, il en vint à regarder de notre côté, dans les loges au-dessus de nous, se servant de sa lorgnette pendant les premières minutes, puis l’écartant de ses yeux, mais sans cesser de regarder dans la même direction. Ce fut le moment que je choisis, quand sa figure fut en plein tournée vers nous, pour attirer sur lui l’attention de Pesca.

— Connaissez-vous cet homme, lui demandai-je ?

— Quel homme, cher ami ?

— Ce grand et gros homme, qui là-bas nous fait face.

Pesca, s’élevant sur ses orteils, regarda le comte.

— Non, répondit le professeur. Ce grand personnage m’est tout à fait étranger… Aurait-il une réputation ?… Pourquoi me le montrez-vous ?

— À cause de certaines raisons particulières qui me font souhaiter d’avoir des renseignements sur son compte. C’est un de vos compatriotes ; il se nomme le comte Fosco. Ce nom vous est-il connu ?

— Pas le moins du monde, Walter… Je ne connais ni l’homme ni le nom.

— Êtes-vous bien certain de ne pas le reconnaître ? Regardez encore ; regardez avec soin ! Je vous dirai pourquoi j’y attache tant d’intérêt, quand nous aurons quitté le théâtre… Attendez ! je vais vous aider à monter ici ; vous le verrez mieux…

J’attirai effectivement le petit bonhomme sur le bord de la plate-forme, légèrement surélevée, où sont placées toutes les stalles de parterre. Sa petite taille, une fois là, ne lui faisait plus obstacle ; il pouvait regarder par-dessus la tête des dames, assises à la limite extérieure de la banquette.

Un homme mince, à cheveux blonds, debout près de nous, et que je n’avais pas remarqué jusqu’alors, — il portait à la joue gauche la marque d’une cicatrice, — regarda Pesca très-attentivement, au moment où je l’aidais