Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/757

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— Walter, disait-il, vous ne savez pas ce que vous me demandez…

Il articulait ces mots à voix basse ; il me regardait comme si je venais de lui dénoncer un danger caché pour tous deux. En moins d’une minute de temps, ce petit homme, que j’avais toujours connu vif, original et de facile humeur, se trouva tellement changé, que venant à le rencontrer dans la rue, sous ces dehors qui m’étaient absolument nouveaux, je ne l’aurais certainement pas reconnu.

— Excusez-moi, lui répondis-je, si, tout à fait sans le vouloir, j’ai pu vous peiner ou vous blesser. Rappelez-vous le tort cruel que le comte a infligé à ma femme. Rappelez-vous que ce tort ne sera jamais réparé, si je n’acquiers les moyens de le contraindre à lui rendre justice. C’est pour elle que je parlais, Pesca ; — je vous demande encore de me pardonner, et ne saurais rien dire de plus…

Je me levai pour partir. Avant que j’eusse gagné la porte, il m’arrêta.

— Un moment, disait-il. Vous m’avez ébranlé de la tête aux pieds. Vous ne savez ni comment ni pourquoi j’ai quitté mon pays. Laissez-moi me remettre, laissez-moi, si je puis, réfléchir un peu…

Je repris mon fauteuil. Il arpentait la pièce en long et en large, s’adressant à lui-même, dans sa langue natale, des propos incohérents. Après bien des tours, il vint tout d’un coup à moi, et posant ses petites mains sur ma poitrine, avec une tendresse, une solennité singulières :

— Sur votre cœur et votre âme, Walter, me dit-il, n’avez-vous aucun autre intermédiaire que moi pour arriver à cet homme ?

— Aucun, répondis-je.

Il me quitta de nouveau : il ouvrit la porte de la chambre et jeta un regard de précaution dans le corridor ; puis il la referma, et revint.

— Vous avez conquis des droits sur moi, Walter, me dit-il, le jour où vous me sauvâtes la vie. Elle était à vous