Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/768

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et que vingt minutes de plus me suffiraient pour me trouver rendu à Saint-John’s-Wood.

Après le départ de mon messager, je retournai dans ma chambre où je consacrai quelques minutes à mettre en ordre certains papiers, de manière à ce que, si malheur arrivait, on pût les retrouver sans peine. Je mis sous enveloppe cachetée la clef du vieux bureau où ces papiers étaient enfermés, et je la laissai sur la table avec le nom de Marian écrit sur ce petit paquet. Cela fait, je descendis au salon, où je comptais trouver Laura et Marian attendant ma rentrée de l’Opéra. Pour la première fois je sentis ma main trembler, en la posant sur le bouton de la porte.

Marian était seule dans cette pièce. Elle lisait ; et lorsque j’entrai, tout étonnée, elle regarda sa montre.

— Comme vous rentrez de bonne heure ! me dit-elle. Vous avez dû partir avant la fin de l’Opéra ?

— Oui, répondis-je. Ni Pesca ni moi ne sommes restés jusqu’au bout… Où est donc Laura ?

— Elle avait, ce soir, une de ces mauvaises migraines, et je lui ai conseillé d’aller se mettre au lit, aussitôt après le thé…

Sous prétexte que je désirais savoir si Laura était endormie, je me hâtai de quitter le salon. Les vifs regards de Marian commençaient à scruter ma physionomie ; son instinct subtil et prompt l’avertissait déjà que j’avais un poids sur la conscience.

Lorsque j’entrai dans la chambre à coucher, et lorsque à la lueur vacillante de la veilleuse, je me rapprochai du lit, ma femme dormait.

Il n’y avait pas encore tout un mois que nous étions mariés. Si mon cœur me pesait, si ma résolution fléchit encore pour quelques instants, lorsque je vis son beau visage fidèlement tourné, dans son sommeil, vers l’oreiller sur lequel devait reposer ma tête, — quand je vis sa main laissée à découvert, et tout ouverte, comme pour inviter la mienne aux étreintes du retour, — bien certainement on me trouvera quelques excuses. Je m’accordai à peine deux ou trois minutes pour m’agenouiller