Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/771

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aux cheveux blonds, l’inconnu à la joue balafrée, et je m’imaginai que lui aussi me reconnaissait. Il ne dit rien, cependant, et au lieu de s’arrêter comme moi devant la maison, il continua lentement sa promenade nocturne. Un simple hasard l’avait-il donc amené dans Forest-Road ? ou bien avait-il suivi le comte depuis sa sortie de l’Opéra ?

Je ne cherchai point à résoudre ces questions. Après avoir attendu quelques instants, et lorsque l’étranger qui s’éloignait à pas lents, fut tout à fait hors de vue je sonnai la cloche d’appel. Il était alors onze heures vingt minutes, — bien assez tard pour que le comte pût aisément se débarrasser de moi, sous prétexte qu’il était au lit.

Pour me prémunir contre une telle défaite, je ne vis qu’un moyen : c’était de lui faire passer mon nom sans formuler aucune question préliminaire, et de lui mander en même temps que j’avais des motifs sérieux pour souhaiter d’être admis chez lui à cette heure indue. En conséquence, tandis que j’attendais, j’avais tiré de mon portefeuille une de mes cartes, et au-dessous de mon nom j’avais écrit : « Pour une affaire très-sérieuse. » La fille de service entr’ouvrait la porte au moment où je traçais ce dernier mot ; et ce fut avec une méfiance évidente qu’elle me demanda « ce qui pouvait m’être agréable ? »

— Ayez la bonté de porter ceci à votre maître, lui répondis-je en lui remettant la carte.

À l’attitude hésitante de cette jeune fille, je vis bien que, si j’avais tout d’abord demandé le comte, elle aurait tout simplement exécuté sa consigne en me répondant qu’il n’était pas chez lui. La confiance parfaite avec laquelle je lui remis ma carte parut l’étourdir complétement. Après m’avoir examiné dans son trouble, d’un air effaré, la pauvre fille porta mon message à l’intérieur, non sans refermer la porte derrière elle, et me laissant à la belle étoile dans le jardin.

Au bout d’une minute, ou à peu près, elle reparut. « Son maître m’envoyait mille compliments ; serais-je assez bon pour mentionner l’objet de ma visite ? » — Mille