Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/776

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Pour un autre homme dans sa position, ces paroles ambiguës auraient eu besoin de quelques commentaires ; — le comte n’en demanda aucun. La simple lecture du reçu lui fit comprendre la précaution que j’avais prise, aussi clairement que s’il eût suivi, une à une, toutes mes démarches. L’expression de son visage changea dans l’instant, et sa main sortit du tiroir, absolument désarmée.

— Je ne ferme pas ce tiroir, monsieur Hartright, me dit-il, et je ne réponds pas que je n’aie encore à disperser votre cervelle autour de ma cheminée. Mais je suis juste, même envers mes ennemis, — et je reconnaîtrai, préalablement, que cette cervelle est d’une qualité bien supérieure à ce que je la croyais. Abordons le sujet, monsieur !… Vous avez quelque chose à me demander ?

— Comme vous dites, — et je prétends l’obtenir.

— À condition ?…

— Sans condition…

Sa main rentra de nouveau dans le tiroir.

— Bah ! dit-il, nous tournons dans un cercle sans issue, et revoilà fort compromise cette cervelle subtile dont nous parlions. Le ton que vous prenez, monsieur, est d’une imprudence déplorable : — modérez-le sur l’heure, je vous prie ! Le danger que je cours à vous abattre là où vous êtes, est moindre à mes yeux que celui auquel je m’exposerais en vous laissant sortir de cette maison, si ce n’est à des conditions dictées et ratifiées par moi. Ce n’est plus à mon regrettable ami que vous avez maintenant affaire ; — vous êtes en face de Fosco ! Si les vingt existences de vingt messieurs Hartright formaient autant de degrés que j’eusse à franchir pour me tirer d’affaire, je mettrais le pied sur toutes les vingt, soutenu par mon indifférence sublime, à laquelle un calme impénétrable fait équilibre. Si vous tenez à vivre, portez-moi respect ! Avant que vous repreniez la parole, je vous somme de répondre à trois questions. Prêtez-y l’oreille ; — elles sont nécessaires à cette entrevue. Répondez-y ; — elles « me » sont nécessaires… Il leva un doigt de sa main droite : — Première question ! dit-il. Vous êtes venu ici, muni de