Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/785

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gestes non moins dignes de la scène. Le lecteur sera bientôt à même de se faire une opinion sur ce document. Tout ce que j’en veux dire ici, c’est qu’il répondait parfaitement à mes vues.

Il écrivit ensuite pour moi l’adresse de son loueur de voitures, et me remit la lettre de sir Percival. Elle était datée du Hampshire, le 25 juillet ; et elle annonçait, pour le 26, l’arrivée de « lady Glyde » à Londres. Ainsi le même jour (25), où le certificat du médecin attestait qu’elle avait succombé à Saint-John’s Wood, le témoignage de sir Percival lui-même établissait qu’elle était vivante à Blackwater, et se préparait à voyager le lendemain. Qu’on obtînt une fois du loueur de voitures la preuve que ce voyage s’était accompli, et il ne manquait plus rien à notre démonstration.

— Cinq heures et quart ! dit le comte en regardant à sa montre. Le moment est venu de réparer mes forces par un petit somme. Vous avez pu remarquer, monsieur Hartright, que je ressemble, de ma personne, au grand Napoléon. J’ai aussi, de cet homme immortel, la faculté de dormir quand je veux. Veuillez me permettre de m’absenter un instant. Je vais convoquer madame Fosco pour charmer votre solitude…

Sachant aussi bien que lui qu’il convoquait madame Fosco afin de s’assurer que je ne profiterais pas de son sommeil pour quitter la maison, je me gardai bien de lui répondre, et m’occupai de réunir en dossier les papiers qu’il venait de me remettre.

La dame arriva bientôt, aussi froide, aussi pâle, aussi venimeuse que jamais : — Veuillez, mon ange, dit le comte, distraire de votre mieux M. Hartright !… Il lui avança un fauteuil, pour la seconde fois il lui baisa la main, alla s’étendre sur un sopha, et, en moins de trois minutes, se trouva plongé dans un sommeil aussi paisible, aussi plein de béatitude que celui de l’homme le plus vertueux dont se puisse constater l’existence.

Madame Fosco prit un livre sur la table, — s’assit, — et me regarda fixement, avec toute la malice vindicative d’une femme qui n’oubliait et ne pardonnait jamais.