Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/79

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chaise basse, tellement absorbée en son travail mental, qu’elle ne sembla pas prendre garde à notre sortie.

Nous étions à peine depuis cinq minutes sur la terrasse, l’un près de l’autre, devant les portes vitrées, et miss Fairlie, par mon conseil, venait de nouer son mouchoir blanc autour de sa tête pour se garantir de l’humidité des nuits, — lorsque j’entendis la voix de miss Halcombe — plus grave, plus significative, ne ressemblant en rien à ce qu’elle était d’ordinaire, — articuler tout d’un coup mon nom.

— Monsieur Hartright ! disait-elle, voulez-vous venir une minute ? J’ai besoin de vous parler…

Je rentrai immédiatement dans le salon. Le piano était à peu près au milieu de la pièce, appuyé contre le mur intérieur. À l’extrémité de l’instrument la plus éloignée de la terrasse, miss Halcombe était assise, les lettres éparses sur ses genoux, sauf l’une d’elles, qu’elle venait de choisir, et que sa main tenait près des flambeaux. Du côté opposé, c’est-à-dire le plus voisin de la terrasse, était une ottomane sur laquelle je m’assis. Ainsi placé, je n’étais pas loin des portes vitrées, et je pouvais parfaitement voir miss Fairlie qui se promenait lentement d’un bout de la terrasse à l’autre, quand elle passait et repassait, au clair de lune, devant cette issue ouverte à mes regards.

— Veuillez écouter les passages qui terminent cette lettre, me dit miss Halcombe ; vous me direz ensuite s’ils peuvent jeter quelque lumière sur l’étrange rencontre que vous avez faite auprès de Londres. La lettre est adressée par ma mère à M. Fairlie, son second, mari ; la date remonte à onze ou douze ans. À cette époque, M. et mistress Fairlie avaient passé plusieurs années dans ce château, avec Laura qui est, vous le savez, ma demi-sœur ; moi, j’étais loin d’eux, achevant mon éducation dans un pensionnat parisien…

La physionomie, le langage de miss Halcombe, tandis qu’elle s’exprimait ainsi, trahissaient beaucoup d’animation et, à ce qu’il me sembla, quelque trouble intérieur. Au moment où, avant de commencer à lire, elle rapprochait la lettre des bougies qui l’éclairaient, miss Fairlie passa de-