Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/825

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que l’étranger à la cicatrice était un membre de la Fraternité (reçu en Italie après l’expatriation de Pesca) ; quand j’aurai ajouté que les deux entailles dessinant un T sur le bras gauche du cadavre, formaient l’initiale du mot italien : « Traditore », et attestaient ainsi que la Fraternité avait fait justice d’un « traître », j’aurai, pour autant que je le puisse, contribué à jeter quelques lumières sur le trépas mystérieux du comte Fosco.

Le lendemain du jour où il m’avait été donné de le voir, le cadavre fut reconnu, par suite d’une lettre anonyme adressée à la veuve du comte. Il fut enterré par les soins de madame Fosco, dans le cimetière du Père-Lachaise. Jusqu’à présent, des guirlandes funéraires que la comtesse renouvelle de ses mains, décorent fidèlement les grillages de bronze qui entourent le tombeau. Elle vit à Versailles dans l’isolement le plus complet. Il n’y a pas longtemps qu’elle publiait une biographie de son défunt époux. Ce livre n’éclaircit en rien l’histoire de sa mort et ne dit pas même quel vrai nom il avait le droit de porter. Ce n’est qu’un long panégyrique, consacré à chacune de ses vertus privées, de ses talents hors ligne, et à l’énumération des honneurs qui lui avaient été conférés. Les circonstances de sa mort y sont très-brièvement relatées et se résument, à la première page, par cette phrase pompeuse : — « Sa vie a été une longue affirmation du droit aristocratique et des principes sacrés de l’ordre social ; — il a péri, martyr de sa cause ».


III


Après mon retour de Paris, l’été, l’automne passèrent sans amener aucun changement qui mérite d’être mentionné ici. Nous vivions si simplement, nous étions heureux à si peu de frais que le salaire de mon travail, dont rien ne me dérangeait plus, suffisait à tous nos besoins.

Au mois de février de la nouvelle année, notre premier