Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/92

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mieux ? et que dire pour entrer en matière ? Là était la question qui, au premier abord, me semblait insoluble.

De cette situation affaissée, humiliée, ce fut miss Halcombe qui me tira ; ses lèvres me dirent la vérité, la vérité amère, indispensable, imprévue ; sa bonté cordiale en atténua pour moi le rude choc ; son bon sens courageux tira le parti qu’il fallait d’un événement qui pouvait avoir les plus terribles conséquences, à Limmeridge-House, pour moi et pour d’autres.


X


C’était un jeudi, presqu’à la fin du troisième mois que je venais de passer dans le Cumberland.

Le matin, quand je descendis à l’heure accoutumée pour le déjeuner, miss Halcombe, pour la première fois depuis que nous nous connaissions, n’occupait pas à table sa place accoutumée.

Miss Fairlie était sur la pelouse. Elle me salua, mais sans revenir au château. Ni mes lèvres ni les siennes n’avaient articulé un mot qui dût élever une barrière entre nous ; — pourtant, un même sentiment d’embarras inavoué nous rendait pénible de nous retrouver face à face. Elle attendit sur la pelouse, et j’attendis dans la salle à manger que mistress Vesey ou miss Halcombe fussent arrivées. Seulement, quinze jours plus tôt, avec quelle hâte j’eusse couru auprès d’elle ! comme nos mains se fussent jointes, et comme une libre causerie eût naturellement suivi cette cordiale étreinte !…

Quelques minutes plus tard, entra miss Halcombe. Elle avait l’air préoccupé, et s’excusa de son retard avec une évidente distraction.

— J’ai été retenue, me dit-elle, par une petite affaire de ménage que M. Fairlie a voulu traiter avec moi.

Miss Fairlie arriva du jardin ; nous échangeâmes les