Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/99

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— sans aversion, cependant, — et qui, seulement après le mariage, au lieu de s’éclairer à temps, apprennent à l’aimer (quand elles n’apprennent pas à le haïr !) Plus sérieusement que je ne saurais dire, j’espère, — et votre courageuse abnégation devrait vous le faire espérer aussi, — que les pensées nouvelles, les sentiments nouveaux qui sont venus troubler le calme et la sérénité d’autrefois, n’ont pas jeté des racines profondes à ce point qu’ils ne puissent être détruits. Votre absence (voyez jusqu’à quel point je me confie à votre honneur, à votre courage, à votre bon sens !), votre absence aidera mes efforts ; le temps, d’ailleurs, nous aidera tous les trois. C’est déjà quelque chose de savoir que ma première confiance en vous n’a pas été trompée. C’est quelque chose de savoir qu’envers cette élève dont vous avez eu le malheur de méconnaître la situation vis-à-vis de vous, vous ne serez ni moins probe, ni moins fort, ni moins pénétré de vos devoirs qu’envers cette inconnue abandonnée, dont naguère, vous n’avez pas déçu l’espérance…

Encore une allusion à la Femme en blanc ! Était-il dit qu’on ne parlerait jamais de miss Fairlie et de moi sans évoquer le souvenir d’Anne Catherick, et sans la dresser entre nous comme une fatalité inévitable ?

— Dites-moi de quelle excuse je puis colorer, aux yeux de M. Fairlie, la rupture de mon engagement, repris-je aussitôt. Dites-moi où je dois me rendre quand je la lui aurai fait accepter ? Je vous promets, et à vos conseils, l’obéissance la plus implicite.

— De toute façon, répondit-elle, le temps importe beaucoup. Vous m’avez, ce matin, entendu parler de lundi prochain, et dire qu’il fallait mettre en état la Chambre Rouge. Le visiteur que nous attendons lundi…

Je ne pus supporter qu’elle s’expliquât plus clairement. Après les révélations qui m’avaient été faites, le souvenir de l’attitude que miss Fairlie avait gardée au déjeuner me disait assez que le visiteur attendu à Limmeridge-House devait être son futur. J’essayai de repousser cette idée : mais, par un élan plus fort que ma volonté, je me vis contraint d’interrompre miss Halcombe.