Page:Comédie humaine - Répertoire.djvu/17

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ces faits énumérés s’animent ; à cette vue circonstanciée des conditions de l’existence des êtres, se surajoute une vue égale de ces êtres eux-mêmes. Et d’abord il les connaît physiologiquement. L’histoire de leur machine corporelle n’a pas de mystères pour lui. Sur la goutte de Birotteau, sur la névrose de M. de Mortsauf, sur la maladie de peau de Fraisier, sur les causes profondes de la possession de Rouget par Flore, sur la catalepsie de Louis Lambert, il est informé comme un médecin, et il est informé comme un confesseur sur le mécanisme spirituel à qui cette machine animale sert de support. Les plus menues faiblesses de conscience lui sont perceptibles. Depuis la portière Cibot jusqu’à la marquise d’Espard, aucune de ses femmes n’a une mauvaise pensée qu’il ne pénètre. Avec quel art, comparable à celui de Stendhal, de Laclos, et des analystes les plus subtils, il marque, dans les Secrets de la princesse de Cadignan, le passage de la comédie à la sincérité ! Il sait quand un sentiment est simple et quand il est compliqué, quand le cœur est dupe de l’esprit, et quand il l’est des sens. Avec cela, il entend parler ses personnages, il distingue leur voix, et nous la distinguons nous-mêmes dans le dialogue. Le grondement de Vautrin, le sifflement de la Gamard, la mélodie de madame de Mortsauf nous restent dans les oreilles. Car une telle intensité d’évocation est communicative comme un enthousiasme et comme une panique. Les témoignages abondent, qui nous prouvent que, chez Balzac, cette évocation s’accomplissait comme chez les mystiques, en l’affranchissant pour ainsi dire des lois ordinaires de la vie. Voici dans quels termes M. le docteur Fournier, le maire actuel de Tours, raconte les séances de travail du romancier, d’après les confi-