Page:Comte de Lautréamont - Poésies II.djvu/2

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Dante, Milton, décrivant hypothétiquement les landes infernales, ont prouvé que c’étaient des hyènes de première espèce. La preuve est excellente. Le résultat est mauvais. Leurs ouvrages ne s’achètent pas.

L’homme est un chêne. La nature n’en compte pas de plus robuste. Il ne faut pas que l’univers s’arme pour le défendre. Une goutte d’eau ne suffit pas à sa préservation. Même quand l’univers le défendrait, il ne serait pas plus déshonoré que ce qui ne le préserve pas. L’homme sait que son règne n’a pas de mort, que l’univers possède un commencement. L’univers ne sait rien : c’est, tout au plus, un roseau pensant.

Je me figure Élohim plutôt froid que sentimental.

L’amour d’une femme est incompatible avec l’amour de l’humanité. L’imperfection doit être rejetée. Rien n’est plus imparfait que l’égoïsme à deux. Pendant la vie, les défiances, les récriminations, les serments écrits dans la poudre pullulent. Ce n’est plus l’amant de Chimène ; c’est l’amant de Graziella. Ce n’est plus Pétrarque ; c’est Alfred de Musset. Pendant la mort, un quartier de roche auprès de la mer, un lac quelconque, la forêt de Fontainebleau, l’île d’Ischia, un cabinet de travail en compagnie d’un corbeau, une chambre ardente avec un crucifix, un cimetière où surgit, aux rayons d’une lune qui finit par agacer, l’objet aimé, des stances où un groupe de filles dont on ne sait pas le nom, viennent balader à tour de rôle, donner la mesure de l’auteur, font entendre des regrets. Dans les deux cas, la dignité ne se retrouve point.

L’erreur est la légende douloureuse.

Les hymnes à Élohim habituent la vanité à ne pas s’occuper des choses de la terre. Tel est l’écueil des hymnes. Ils déshabituent l’humanité à compter sur l’écrivain. Elle le délaisse. Elle l’appelle mystique, aigle, parjure à sa mission. Vous n’êtes pas la colombe cherchée.

Un pion pourrait se faire un bagage littéraire, en disant le contraire de ce qu’ont dit les poètes de ce siècle. Il remplacerait leurs affirmations par des négations. Réciproquement. S’il est ridicule d’attaquer les premiers principes, il est plus ridicule de les défendre contre ces mêmes attaques. Je ne les défendrai pas.

Le sommeil est une récompense pour les uns, un supplice pour les autres. Pour tous, il est une sanction.

Si la morale de Cléopâtre eût été moins courte, la face de la terre aurait changé. Son nez n’en serait pas devenu plus long.

Les actions cachées sont les plus estimables. Lorsque j’en vois