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embrassant dès-lors tous les objets, présageoit les grands progrès de l’espèce humaine, si une noble curiosité avoit animé les héros de la navigation, une basse et cruelle avidité, un fanatisme stupide et féroce dirigeoit les rois et les brigands qui devoient profiter de leurs travaux. Les êtres infortunés qui habitoient ces contrées nouvelles ne furent point traités comme des hommes, parce qu’ils n’étoient pas des chrétiens. Ce préjugé, plus avilissant pour les tyrans que pour les victimes, étouffoit toute espèce de remords, abandonnoit sans frein à leur soif inextinguible d’or et de sang, ces hommes avides et barbares que l’Europe vomissoit de son sein. Les ossemens de cinq millions d’hommes ont couvert ces terres infortunées, où les Portugais et les Espagnols portèrent leur avarice, leurs superstitions et leur fureur. Ils déposeront jusqu’à la fin des siècles contre cette doctrine de l’utilité politique des religions, qui trouve encore parmi nous des apologistes.

C’est à cette époque seulement que l’homme a pu connoître le globe qu’il habite ; étudier, dans tous les pays, l’espèce hu-