Page:Condorcet Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain.djvu/213

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utiles, et de le retenir dans les chaînes dont eux-mêmes ont su s’affranchir !

Si l’égalité naturelle des hommes, première base de leurs droits, est le fondement de toute vraie morale, que pouvoit-elle espérer d’une philosophie, dont un mépris ouvert de cette égalité et de ces droits étoit une des maximes ! Sans doute cette même philosophie a pu servir aux progrès de la raison, dont elle préparoit le règne en silence : mais, tant qu’elle subsista seule, elle n’a fait que substituer l’hypocrisie au fanatisme, et corrompre, même en les élevant au-dessus des préjugés, ceux qui présidoient à la destinée des états.

Les philosophes vraiment éclairés, étrangers à l’ambition, qui se bornoient à ne détromper les hommes qu’avec une extrême timidité, sans se permettre de les entretenir dans leurs erreurs, ces philosophes auroient naturellement été portés à embrasser la réforme : mais, rebutés de trouver par-tout une égale intolérance, la plûpart ne crurent pas devoir s’exposer aux embarras d’un changement, après lequel ils se trouveroient