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ni l’observation des phénomènes de la nature ; non qu’il eût l’idée puérile et fausse de réduire l’esprit humain à la seule étude de la morale : c’est au contraire précisément à son école et à ses disciples, que les sciences mathématiques et physiques durent leurs progrès ; parmi les ridicules qu’on cherche à lui donner dans les comédies, le reproche qui amène le plus de plaisanteries est celui de cultiver la géométrie, d’étudier les météores, de tracer des cartes de géographie, de faire des observations sur les verres brûlans, dont, par une singularité remarquable, l’époque la plus reculée ne nous a été transmise que par une bouffonnerie d’Aristophane.

Socrate vouloit seulement avertir les hommes de se borner aux objets que la nature a mis à leur portée ; d’assurer chacun de leurs pas avant d’en essayer de nouveaux ; d’étudier l’espace qui les entoure, avant de s’élancer au hasard dans un espace inconnu.

Sa mort est un événement important dans l’histoire de l’esprit humain. Elle est le premier crime qu’ait enfanté la guerre de la philosophie et de la superstition.