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cuser les philosophes d’impiété envers les Dieux, afin qu’ils n’eussent pas le temps d’apprendre aux peuples que ces Dieux étoient l’ouvrage de leurs prêtres. Les philosophes crurent échapper à la persécution, en adoptant, à l’exemple des prêtres eux-mêmes, l’usage d’une double doctrine, en ne confiant qu’à des disciples éprouvés, les opinions qui blessoient trop ouvertement les préjugés vulgaires.

Mais les prêtres présentoient au peuple comme des blasphêmes les vérités physiques même les plus simples. Ils poursuivirent Anaxagore, pour avoir osé dire que le soleil étoit plus grand que le Péloponnèse.

Socrate ne put échapper à leurs coups. Il n’y avoit plus dans Athènes de Périclès qui veillât à la défense du génie et de la vertu. D’ailleurs Socrate étoit bien plus coupable. Sa haine pour les sophistes, son zèle pour ramener vers des objets plus utiles la philosophie égarée, annonçoit aux prêtres que la vérité seule étoit l’objet de ses recherches ; qu’il vouloit, non faire adopter par les hommes un nouveau systême, et sou-