Page:Conrad - Gaspar Ruiz, trad. Néel.djvu/88

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valeur, mal prisée du vulgaire, est souvent dédaignée par la renommée populaire. C’est naturellement de pareils échantillons que mon ami est le plus fier.

De X… il m’écrivait : « C’est le plus grand révolté des temps modernes. Le monde connaît en lui l’écrivain révolutionnaire dont l’ironie féroce a mis à nu la décrépitude des plus respectables institutions. Il a scalpé toutes les têtes vénérées et fait fondre au feu de son ironie toutes les opinions reçues, comme tous les principes reconnus de morale et de politique. Qui ne se rappelle la flamme ardente de ses factums révolutionnaires ? Leurs explosions soudaines harassaient de temps en temps les forces de la police continentale comme une invasion de rouges sauterelles. Cet écrivain extrémiste avait d’ailleurs été aussi l’inspirateur actif de sociétés secrètes, le Numéro Un mystérieux et inconnu de conspirations hardies, soupçonnées ou ignorées, achevées ou compromises. Et le monde n’a jamais eu le moindre soupçon de ce rôle ! C’est ce qui explique qu’il puisse se trouver encore parmi nous, ce vétéran de maintes campagnes souterraines, aujourd’hui retiré et sans appréhension, avec sa réputation du plus grand des destructeurs qui aient jamais vécu. »

Ainsi m’écrivait mon ami, en ajoutant que M. X… était amateur éclairé de bronzes et de porcelaines, et en me priant de lui montrer ma collection.

X... vint chez moi à l’heure dite. Mes trésors sont disposés dans trois vastes pièces, sans tapis ni rideaux. Pas d’autres meubles que les étagères et les vitrines dont le contenu vaudra une fortune à mes héritiers, Je ne laisse pas allumer de feu, par crainte des accidents, et une porte de fer sépare mon musée du reste de la maison.

Il faisait glacial, ce jour-là. Nous avions gardé chapeaux et manteaux. Sec et de taille moyenne, les yeux alertes dans un long visage au nez romain, X… fure-