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Si les progrès industriels réalisés dans notre siècle ont diminué l’intensité des sentiments de haine que les souvenirs du passé entretiennent dans l’esprit des peuples, s’ils ont déterminé de visibles tendances à l’unité, c’est qu’il existe entre l’exercice des fonctions naturelles et la formation de l’unité humaine un rapport tel que tout effort dirigé vers le but assigné aux fonctions, exerce une influence directe sur le développement des éléments organiques de l’humanité et sur le système de leurs relations. Or, en agissant sur le globe par le travail productif, si mal réglé qu’il soit, les peuples exécutent autant qu’il est en eux, dans les circonstances actuelles, la fonction qu’ils rempliront un jour dans sa plénitude.

En conséquence, les forces qu’ils déploient convergent au but de la Destinée, accélèrent la formation de l’unité qui serait retardée par des forces employées en sens contraire de la fonction. En vérité, plus on médite les lois générales de la vie dans les corps organisés, mieux on comprend les causes réelles du mouvement social. Ce rapport que nous venons de signaler entre l’exercice de la fonction et le développement de l’unité humaine est une loi très-vulgairement connue, que tout le monde a pu observer dans la vie ordinaire. Chacun sait que l’exercice d’un organe, pourvu qu’il ait lieu entre certaines limites et suivant la fonction, détermine des développements que l’organe n’aurait jamais atteints dans l’état de repos ou par un travail contraire à sa nature.

On sait également que la formation plus complète de l’organe ainsi obtenu réagit sur la fonction qui s’exécute mieux et plus facilement. Les organes de la nutrition, fonctionnant à l’origine même de la vie, ne doivent-ils pas tous leurs développements successifs au travail dont ils sont chargés ?

Il semblerait peut-être, d’après ce que nous avons dit sur le mouvement d’évolution des sociétés, que l’homme reste sans influence pour le modifier en quoi que ce soit, et que les destinées sociales s’accomplissent sans l’intervention de sa volonté. De ce qu’il existe des lois immuables qui règlent le développement de l’humanité, il ne résulte pas que l’activité libre de l’homme n’ait point la possibilité d’entraver ou de faciliter l’exécution de ces lois. De même que la vie individuelle peut être contrariée et anéantie par la faute de celui qui la possède, sans qu’il ait pourtant la faculté de changer rien à ses lois, de même la vie générale de l’humanité peut être arrêtée dans ses développements par les erreurs persistantes des générations. Les lois sociales ne sont pas plus de la compétence de l’homme que les lois naturelles des autres ordres. Il ne lui appartient pas de les créer. Sa tâche est de les découvrir et de régler ses actes d’après leurs exigences.