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ouvrages, un but composé ; il se servait de la vie humaine pour le perfectionnement des harmonies terrestres, et mettait l’homme dans cette alternative de délaisser sa fonction en renonçant à la vie et au bonheur, ou de l’accomplir en y trouvant la réalisation des plus nobles désirs et des plus hautes aspirations de son âme.

On a beaucoup discuté sur le bonheur. Les uns l’ont regardé comme purement relatif ; d’autres, en le considérant comme absolu, l’ont défini d’après une idée fausse ou incomplète de la vie. La théorie des fonctions donne une notion exacte du sens que l’on doit attacher à ce mot qui est encore une énigme. Le bonheur, c’est la vie dans son état normal. La vie d’un être est normale lorsqu’elle est employée à l’exercice des fonctions pour lesquelles cet être a été créé. Ainsi, il existe pour chaque être un bonheur qui n’est pas seulement relatif à des états de souffrance, mais qui résulte d’un emploi parfaitement défini de ses facultés.

Qui pourrait ne pas apercevoir du premier coup d’œil l’admirable convenance de cette loi suivant laquelle le bonheur ne peut être obtenu que par l’exercice et l’accomplissement de la fonction ! Comme tous les êtres tendent irrésistiblement vers la plénitude de la vie, vers le bonheur, il arrive qu’en s’efforçant d’aplanir autour d’eux les obstacles qui s’opposent au développement de leur vie particulière, et qu’en paraissant servir uniquement les intérêts de leur individualité, ils remplissent vis-à-vis du monde extérieur une fonction en vue de laquelle leurs besoins, leurs instincts, leurs passions et toutes leurs facultés ont été calculés. Lorsqu’au contraire, prenant une direction opposée à celle qu’indique la nature, les êtres ne donnent point aux forces dont ils disposent l’emploi qui leur est destiné, lorsqu’ils ne remplissent pas leurs fonctions, la privation de bonheur ou la souffrance leur indique la fausseté de la voie dans laquelle ils se sont engagés, et les excite incessamment à la recherche du bonheur, ou, ce qui est la même chose, de la fonction. Cette révélation incessante de la Destinée qui se produit par la souffrance, dont l’intensité est proportionnée au degré de la déviation, nous montre de quelle manière la liberté accordée aux agents inférieurs, comme celle de l’homme, se concilie avec le maintien de l’harmonie générale. Celle-ci ne peut jamais être sérieusement troublée par les déviations des intelligences libres et finies, puisqu’alors la vivacité de la souffrance ressentie ramène nécessairement l’intelligence dévoyée dans une meilleure direction, ou tout au moins l’empêche de passer outre et d’occasionner une plus grande perturbation.

Voici donc devant nous le but le plus élevé que puisse se proposer la science, au point de vue du problème de la con-