Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/20

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dans ma jeunesse, j’allai avec le vieux lord Gosford, mon parent, au-devant de sa sœur, lady Juliana, au moment où elle venait de sortir pour la première fois de pension (c’était la dame dont l’infidélité lui avait fait abandonner le monde), et c’était aussi une beauté… ma foi, quand j’y pense, tout le portrait d’Emmy… Seulement elle était plus grande… ; et elle avait des yeux noirs… ; et des cheveux noirs aussi… ; et elle n’était pas aussi blanche qu’Emmy… ; et elle était un peu plus grasse… ; et elle avait la taille un peu voûtée… oh ! bien peu… C’est étonnant comme elles se ressemblent. Ne trouvez-vous pas, mon neveu ? dit-il à John en s’arrêtant à la porte de la chambre ; et le pauvre John, qui dans cette description ne pouvait trouver une ressemblance qui n’existait que dans les affections du vieillard, répondit en balbutiant :

— Oui, mon oncle ; mais vous savez qu’elles étaient parentes ; et cela explique la ressemblance.

— C’est vrai, mon garçon, c’est vrai, lui dit, son oncle charmé de trouver une raison pour une chose qu’il désirait et qui flattait son faible, car il trouvait des ressemblances partout, et il avait dit une fois à Émilie qu’elle lui rappelait sa femme de charge, qui était aussi vieille que lui, et qui n’avait plus une dent dans la bouche.

À la vue de sa nièce, M. Benfield, qui, comme presque tous ceux qui sentent vivement, affectait généralement un air de brusquerie et d’indifférence, ne put cacher son émotion ; et, la serrant dans ses bras, il l’embrassa tendrement, tandis qu’une larme brillait dans ses yeux ; puis, un peu confus de sa faiblesse, il la repoussa avec douceur en s’écriant : — Allons, allons, Emmy, ne m’étranglez point, mon enfant, ne n’étranglez point ; laissez-moi couler en paix le peu de jours qui me restent encore à vivre. — Ainsi donc, ajouta-t-il en s’asseyant dans un fauteuil que sa nièce lui avait avancé ; ainsi donc, Anne m’écrit que sir William Harris a loué le Doyenné.

— Oui, mon oncle, répondit John.

— Je vous serais obligé, jeune homme, dit M. Benfield d’un ton sec, de ne point m’interrompre lorsque je parle à une dame… Je vous prie d’y faire attention, Monsieur. Je disais donc que sir William a loué le Doyenné à un marchand de Londres, un certain M. Jarvis. Or, j’ai connu, autrefois trois personnes de ce nom ; l’un était un cocher de fiacre qui me conduisait souvent à la