Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/54

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Le malheur qui lui était arrivé le leur avait fait connaître, et avait excité leur intérêt. Denbigh prit part à la conversation, et il s’exprimait avec une candeur et une franchise qui commandaient la confiance. Aussi, en moins d’un quart d’heure régnait-il autant d’intimité dans la petite société réunie chez le docteur que si elle se fût connue depuis bien des années.

Le docteur Yves et son fils ne tardèrent pas à venir les joindre. Francis dit que Clara attendait le lendemain avec une impatience délicieuse, et qu’elle désirait vivement qu’Émilie vînt passer quelques jours avec elle dans sa nouvelle demeure. Mrs Wilson le promit au nom de sa nièce : — Nos amis, ajouta-t-elle en se tournant vers Grace, voudront bien l’excuser si elle les quitte pour aller tenir compagnie à sa sœur. Son absence, je l’espère, ne sera pas de longue durée ; et Clara a besoin de la société d’Émilie dans un pareil moment.

— J’espère bien, dit Grace avec douceur, qu’Émilie ne fera pas de cérémonies avec nous. Nous serions désolées de l’empêcher de témoigner son attachement à sa sœur, et ce serait mal nous connaître que de supposer que nous puissions nous offenser de la voir partir pour aller remplir un devoir si doux.

— À merveille, Mesdames, s’écria le docteur avec gaieté ; voilà comme on doit être, et l’amitié la plus durable est celle qui sait s’imposer aussi de généreux sacrifices.

— Le départ d’une jeune femme de la maison paternelle pour aller habiter celle de son mari est un événement qui cause toujours une vive émotion, dit Denbigh à Francis ; et la conversation changea de sujet.

Il était trois heures sonnées lorsque la voiture de Mrs Wilson, qui devait venir les prendre, arriva au presbytère, et personne ne s’était aperçu que le temps se fût si vite écoulé. Le ministre était retourné dîner à Bolton avec son fils. Mrs Yves était restée avec ses hôtes, et Denbigh continua à prendre vivement part à un entretien qui semblait devoir ne lui offrir que peu d’intérêt, puisqu’il roulait en grande partie sur des personnes qu’il ne connaissait pas. Mrs Wilson crut remarquer que parfois il régnait une sorte d’embarras et de contrainte entre Mrs Yves et lui ; elle l’attribua naturellement au souvenir de la perte récente qu’il avait faite. Peu d’instants après on vint lui annoncer l’arrivée de sa voiture, et elle termina sa visite.