Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/56

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courus au château pour exposer à l’intendant ma triste situation. M. Martin conta à lord Pendennys le malheur qui m’était arrivé ; et c’est lui qui vient de m’envoyer cette charrette, ce beau cheval, et vingt guinées d’or par-dessus le marché. Ah ! Madame, que le ciel le bénisse à jamais !

— Cela est bien généreux de la part de Sa Seigneurie, dit Mrs Wilson d’un air pensif. Je ne savais pas que lord Pendennys fût au château.

— Il est parti, Madame ; les domestiques me dirent qu’il était venu pour rendre visite au comte, qui était parti pour l’Irlande depuis plusieurs jours, et que, ne l’ayant pas trouvé, il avait continué sa route vers Londres, sans vouloir même s’arrêter une seule nuit. Ah ! Madame, ajouta le vieillard qui se tenait debout, appuyé sur son bâton, et son chapeau à la main, c’est le père, c’est le consolateur des malheureux. Ses domestiques disent qu’il donne tous les ans des milliers de livres sterling aux pauvres. Quel bonheur que sa grande fortune lui permette ainsi de faire le bien ! car il est riche… plus riche que monsieur le comte lui-même. Ah ! pour moi, je le bénirai jusqu’au dernier jour de ma vie !

Mrs Wilson dit à Humphreys qu’elle était charmée de voir que toutes ses pertes fussent si heureusement réparées, et elle referma sa bourse qui s’était ouverte au souvenir des malheurs du vieillard ; car il n’entrait pas dans son système de charité de chercher à rivaliser de bienfaisance avec qui que ce fût, et de faire parade des secours qu’elle n’accordait jamais qu’à la véritable indigence.

— Sa Seigneurie est magnifique dans ses bienfaits, dit Émilie en sortant de la chaumière.

— Ne pensez-vous pas qu’il y ait de la prodigalité à donner tant à des gens qu’on connaît si peu ? demanda Chatterton.

— Lord Pendennys est très-riche, répondit Mrs Wilson ; de plus ce vieillard a un fils (c’est le père des enfants que nous avons vus dans sa cabane) qui est soldat dans le régiment dont le comte est colonel, et cette circonstance explique assez sa libéralité. La veuve soupira en se rappelant que le même sentiment avait dirigé sa charité sur le vieil Humphreys.

— Avez-vous jamais vu le comte, ma tante ? demanda Émilie.

— Jamais, ma chère ; c’est une satisfaction qui m’a été refusée jusqu’à présent ; mais j’ai reçu bien des lettres qui n’étaient remplies que de son éloge, et je suis bien contrariée de n’avoir pas su