Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/23

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mise en rapport avec les hauts faits de la reine de l’Adriatique ? Tu oublies ce que Venise a été…

— Zitto, zitto, cet a été, caro mio, est un grand mot dans toute l’Italie. Tu es aussi fier du passé qu’un Romain du Trastevere[1].

— Et le Romain du Trastevere a raison. N’est-ce rien, Stefano Milano, que d’être descendu d’un peuple grand et brave ?

— Il est encore mieux, Gino Monaldi, d’appartenir à un peuple grand et victorieux dans le présent. L’orgueil du passé ressemble un peu au plaisir de ce fou qui rêvait du vin qu’il avait bu la veille.

— Ceci est bon pour un Napolitain dont le pays ne fut jamais une nation, reprit le gondolier avec colère. J’ai entendu dire souvent à don Camillo, dont l’éducation a été aussi soignée que sa naissance est noble, que la moitié des peuples de l’Europe ont monté sur le cheval de Sicile et ont usé les jambes de tes Napolitains, à l’exclusion de ceux qui avaient le plus de droits à s’en servir.

— Cela peut être ; et cependant les figues sont aussi douces que jamais, et les bec-figues aussi tendres ! les cendres du volcan couvrent tout !

— Gino ! dit avec autorité une voix près du gondolier.

— Signore !

Celui qui avait interrompu le dialogue montra le bateau sans dire une parole.

— Au revoir, murmura précipitamment le gondolier.

Son compagnon lui serra la main avec amitié ; car ils étaient compatriotes de naissance, quoique le hasard eût attiré le premier sur les canaux. L’instant d’après, Gino arrangeait les coussins de son maître, ayant d’abord réveillé son subordonné et son confrère en avirons, qui était plongé dans un profond sommeil.

  1. Un quartier de Rome moderne, qui prétend être peuplé par les descendants des anciens maîtres du monde, et qui affecte de regarder les autres habitants comme des barbares.