Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/13

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à la fois en langues différentes, et remplissant l’air d’une confusion de paroles qui avait probablement quelque affinité avec celle qui troubla les ouvriers de la tour de Babel. On pouvait comprendre, à travers les fragments de phrases et les plaintes interrompues, également adressées au batelier, dont le nom était Baptiste, et au fonctionnaire genevois, que ces turbulents voyageurs étaient persuadés que Balthazar, le bourreau du riche et aristocrate canton de Berne, avait été introduit parmi eux par la cupidité du patron ; ce qui mon seulement blessait les sentiments et les droits de ces honorables citoyens mais compromettait leur sûreté au moment où ils allaient se confier aux vicissitudes des éléments, considération sur laquelle ils insistaient avec beaucoup de véhémence.

Le plus grand amateur de la diversité des caractères aurait été satisfait du bizarre assemblage que le hasard et l’habileté de Baptiste avaient réuni, car les passions, les intérêts, les désirs et les opinions de ces hommes étaient aussi différents que leur langage. Quelques marchands revenant de leur tour de France et d’Allemagne, d’autres se dirigeant vers le sud avec un assortiment de marchandises, de pauvres écoliers allant faire à Rome un pèlerinage littéraire ; un ou deux artistes riches d’enthousiasme, pauvres de connaissances et de goût, soupirant pour le ciel de l’Italie ; une troupe de jongleurs des rues qui venaient d’exercer leurs bouffonneries napolitaines au milieu des graves habitants de la Souabe, plusieurs domestiques sans place, six ou huit capitalistes vivant de leurs bons mots, et une foule de ces gens que les Français appellent mauvais sujets, titre qui est à présent disputé d’une manière assez bizarre entre la lie de la société et une classe qui a la prétention de marcher au premier rang.

À quelques différences près, qu’il n’est pas nécessaire de détailler, telle était composée la majorité, cette partie essentielle de toute assemblée représentative. Ceux dont nous n’avons pas encore parlé étaient d’un genre différent. Pas loin de la foule, bruyante et agitée qui encombrait et entourait la porte, se trouvait un groupe dans lequel on distinguait la figure vénérable et belle encore d’un homme portant un habit de voyage, mais qui n’avait pas besoin de deux ou trois domestiques en livrée qui l’accompagnaient, pour attester qu’il appartenait à la classe des hommes fortunés, puisque les biens et les maux sont ordinairement estimés ainsi dans le calcul des chances de la vie. Il donnait