Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/24

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plus tendre regard ; mais vous ne vous êtes pas assuré si je suis l’homme dont j’ai pris le nom.

— C’est inutile, noble baron ; la ville n’ignore pas qu’elle est honorée de votre présence, et j’ai l’ordre spécial de faire tout ce qui peut contribuer à rendre le passage de Genève un agréable souvenir pour l’un de ses plus honorables alliés.

— La courtoisie de votre ville est bien connue, répondit le baron de Willading en remettant les papiers dans son portefeuille, et recevant cette faveur en homme habitué à des honneurs de ce genre ; — avez-vous des enfants ?

— Le ciel n’a pas été avare pour moi de dons semblables : ma table reçoit par jour onze convives, sans compter ma femme et moi.

— Onze ! La volonté divine est un mystère redoutable ! Vous voyez la seule espérance de ma famille, l’unique héritière qui soit laissée au nom et aux biens de Willading ! — Votre position est-elle heureuse ?

— Plus que celle d’un grand nombre de mes concitoyens ; recevez tous mes remercîments pour cette bienveillante question.

Un léger coloris se répandit sur les joues d’Adelheid de Willading, tel était le nom de la fille du baron, et elle fit un pas vers l’officier.

— Ceux qui sont si peu à leur propre table, doivent s’occuper de ceux qui sont si nombreux, dit-elle en laissant tomber une pièce d’or dans la main du Génevois. — Puis elle ajouta d’une voix qui ressemblait à un faible murmure : Si votre jeune famille vent offrir une prière en faveur d’une pauvre fille qui a besoin de soutien, Dieu l’en récompensera, et peut-être servira-t-elle à adoucir la douleur de celui qui craint de rester sans enfant.

— Dieu vous bénisse, Madame ! dit l’officier peu accoutumé à un tel langage, et ému jusqu’aux larmes de la douce et pieuse résignation de la malade et de ses manières simples mais toujours attrayantes ; nous tous, vieux comme jeunes, nous prierons pour vous, pour tout ce qui vous est cher.

Le visage d’Adelheid reprit sa pâleur habituelle, et elle suivit son père qui se dirigeait lentement vers la barque.

L’obstination que les trois sentinelles avaient montrée jusque alors céda à l’impression de cette scène ; ils n’avaient au fait rien à dire à un personnage d’un rang aussi élevé, et le baron de Willading entra dans le bâtiment sans qu’on lui adressât une seule question. L’influence de la beauté et de la naissance unies à la