Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/26

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naissez le devoir que nous remplissons, mon ami ; il faut nous montrer vos mains ; celui qui porte la marque du sang ne passera pas !

Le voyageur parut troublé ; il était évident qu’habitué à une vie paisible et retirée, les chances d’un voyage avaient pu seules le mettre en contact avec de tels hommes ; il tendit la main néanmoins avec une simplicité si confiante, qu’elle excita la gaieté de tous les spectateurs.

— Cela ne suffit pas ; le savon, la cendre et les larmes des victimes peuvent rendre nettes les mains de Balthazar. Les taches que nous cherchons son sur l’âme ; il faut que nous visitions la tienne avant de te permettre de faire partie de cette honorable société.

— Vous n’avez pas interrogé ainsi ce jeune soldat, répondit l’étranger dont les yeux brillèrent un instant à cet outrage non mérité, quoique son corps tremblât violemment en se voyant l’objet des insultes de ces hommes grossiers. — Vous n’avez pas osé le questionner ainsi !

— Par les prières de saint Janvier, qui arrêtent la lave brûlante, j’aime mieux que tu t’en charges que moi. Ce jeune militaire est un honorable coupe-tête ; c’est un plaisir de voyager avec lui, car sans doute il est sous la protection de six ou huit bienheureux. Mais celui que nous cherchons est repoussé de tous ; bon ou mauvais, il est en horreur au ciel et sur la terre, et même dans cette chaude demeure qu’il ira habiter quand son heure sera venue.

— Et cependant il ne fait qu’exécuter la loi.

— Qu’appelles-tu la loi, mon ami ? Mais, va, personne ne te soupçonne d’être l’ennemi de nos têtes. Poursuis ton chemin pour l’amour du ciel et prie-le de te préserver de la hache de Balthazar.

Le maintien de l’étranger semblait annoncer quelque envie de répondre, mais, changeant tout à coup de projet, il continua sa route et disparut dans la barque. Le moine de Saint-Bernard vint ensuite ; lui et son chien étaient connus depuis longtemps de l’officier, qui les laissa passer.

— Notre mission est toute pacifique, dit le moine en s’approchant de ceux dont les droits auraient pu souffrir quelques discussions ; nous vivons au milieu des neiges, pour empêcher des chrétiens de mourir sans les secours de l’Église.