Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/30

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port, seigneur ? demanda le Génevois comme s’il espérait, découvrir une garantie suffisante pour la permission que lui-même désirait accorder.

La recherche fut inutile. Peu importait que le plus âgé des Génois s’appelât le signor Grimaldi, et que son compagnon portât le nom de Marcelli. Il rendit le papier en secouant la tête comme un homme trompé dans ses espérances.

— Vous n’avez pas lu la moitié du contenu de cette feuille, dit Baptiste avec vigueur ; un simple coup d’œil n’est pas suffisant pour la déchiffrer. Examinez-la encore, peut-être trouverez-vous tout en règle. Il n’est pas raisonnable de supposer que ces seigneurs se soient mis en route avec des papiers suspects comme de purs vagabonds.

— Il ne manque rien, excepté la signature de la ville, sans laquelle mon devoir ne me permet pas de laisser sortir aucun voyageur.

— Tout ceci vient, seigneur, de ce maudit art d’écrire qu’on a perfectionné depuis peu, et qui est une source d’abus. J’ai entendu nos vieux bateliers du Léman faire l’éloge du bon vieux temps : les caisses et les ballots allaient et venaient alors sans qu’un seul mot d’écrit fût tracé entre celui qui envoyait et celui portait, et à présent les choses en sont venues au point qu’un chrétien ne peut pas se transporter sur ses propres jambes sans la permission d’un barbouilleur.

— Nous perdons en vaines paroles un temps qui pourrait être mieux employé, reprit le signor Grimatdi. Ce passeport est heureusement dans la langue du pays ; un seul regard lui fera obtenir l’approbation de l’autorité. Dites-moi seulement si vous pouvez attendre le temps nécessaire pour terminer cette petite affaire.

— Je ne le pourrais, lors même que Votre Excellence m’offrirait la couronne du Doge ; les vents du Léman n’attendraient ni rois, ni nobles, ni évêque, ni prêtre ; et mon devoir envers les passagers m’ordonne de quitter le port le plus tôt possible.

— Vous êtes très-chargé en effet, dit le Génois avec une légère méfiance en regardant la foule qui se pressait sur la barque. J’espère qu’en recevant tant de monde vous n’avez pas outrepassé les forces du bâtiment ?

— J’en aurais diminué le nombre avec joie, seigneur ; car tous ceux que vous voyez entassés au milieu des bagages ne sont que