Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rien moins qu’aimables, malgré tout ce qu’ils ont vu, ou ce qu’ils prétendent avoir vu.

— Il est très-possible d’avoir parcouru toute la chrétienté, et d’être extrêmement désagréable. D’ailleurs on peut voir bien des choses, et n’en voir que très-peu de bonne qualité.

Il y eut une pause de deux ou trois minutes. Pendant ce temps, Ève lut un billet, et sa cousine feuilleta les pages d’un livre.

— Je voudrais savoir au vrai quelle opinion vous avez de nous ? s’écria Grace tout à coup. Pourquoi ne pas être franche avec une si proche parente ? Parlez-moi avec vérité : êtes-vous réconciliée avec votre pays ?

— Vous êtes la onzième personne qui me fait cette question, et je la trouve fort extraordinaire ; je n’ai jamais eu de querelle avec mon pays.

— Ce n’est pas tout à fait ce que je veux dire. Je désire seulement savoir quelle impression notre société a faite sur une jeune personne élevée en pays étranger.

— Vous désirez donc une opinion qui ne peut avoir beaucoup de valeur, car mon expérience ici ne s’étend pas encore à quinze jours. Mais il existe beaucoup d’ouvrages sur ce pays, et quelques-uns ont été composés par des personnes très-intelligentes ; que ne les consultez-vous ?

— Oh ! vous voulez parler de voyageurs ? Aucun d’eux ne mérite une seconde pensée, et ils ne nous inspirent que le plus grand mépris.

— Je n’en ai aucun doute, car vous le proclamez tous à haute voix dans les carrefours et sur les grands chemins. Sans doute il n’y a pas de signe de mépris plus certain que d’appuyer sans cesse sur ce point.

Grace avait autant de vivacité que sa cousine ; mais, quoique piquée du sarcasme qu’Ève venait de lancer d’un ton si tranquille, elle eut le bon sens d’en rire.

— Nous proclamons peut-être notre mépris trop hautement pour y faire croire ; mais sûrement, Ève, vous ne croyez pas tout ce que ces voyageurs disent de nous ?

— Je n’en crois pas la moitié. Mon père et mon cousin John ont trop souvent discuté ce sujet en ma présence pour me laisser ignorer les méprises nombreuses qu’ils ont commises, particulièrement en politique.

— En politique ! je n’y entends rien, et j’aurais plutôt cru que