Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/44

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— Et qui désire le contraire ? Tout ce que je demande, c’est d’être regardée comme digne d’aller de pair avec qui que ce soit dans ce pays, — dans les États-Unis d’Amérique.

— Je quitterais dans huit jours les États-Unis d’Amérique, si je croyais qu’un état de choses si intolérable y fût nécessaire.

— Vous, monsieur Jarvis, vous qui êtes membre du comité de Tammany-Hall !

— Oui, mistress Jarvis, moi membre du comité de Tammany-Hall. Quoi ! pensez-vous que je veuille voir trois mille six cent cinquante charretiers entrer dans ma maison et en sortir la pipe à la bouche ?

— Qui pense à vos charretiers et à vos fruitières, monsieur Jarvis ? Je ne parle que des gens comme il faut.

— En d’autres termes, ma chère, vous ne parlez que de ceux que vous regardez comme étant au-dessus de vous, et vous laissez à l’écart ceux qui vous envisagent sous le même point de vue. Ce n’est point là ma démocratie et ma liberté. Je crois qu’il faut deux personnes pour faire un marché ; et quoique je puisse consentir à dîner avec M. A –, s’il ne veut pas dîner avec moi, tout est dit.

— Vous touchez à un point qui tient à la question. Nous avons plusieurs fois dîné chez M. Effingham avant son voyage en Europe, et vous n’avez jamais voulu me permettre d’inviter M. Effingham à dîner chez nous. C’est ce que j’appelle de la bassesse.

— Cela serait vrai si je l’avais fait pour épargner mon argent. J’ai dîné chez M. Effingham, parce que sa compagnie me plaît, – parce que c’est un ancien voisin, et parce que j’aime l’élégance tranquille de sa table et de sa maison. Je ne l’ai pas invité à dîner chez moi, parce que j’étais sûr qu’il serait plus satisfait de cet aveu tacite de sa supériorité sur moi à cet égard que du fracas et de la gaucherie de nos efforts pour le payer en nature. Édouard Effingham reçoit assez d’invitations à dîner pour ne pas tenir un compte de doit et avoir avec ses convives, ce qui, suivant moi, sent un peu trop les manières de New-York.

— Fracas ! gaucherie ! je ne vois pas que vous fassiez plus de fracas et de gaucheries que M. Effingham lui-même.

— Non, ma chère ; je suis un homme paisible et sans prétentions, comme la grande majorité de mes concitoyens, grâce au ciel.

— Pourquoi donc parler de ces différences, dans un pays où la loi n’en établit aucune ?