Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/12

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mandent et demandent avec instance des ouvrages qui peignent les mœurs américaines, nous craignons bien qu’ils ne veuillent parler que des mœurs des Indiens, et nous tremblons que le même goût qui trouve la scène de la caverne, dans Edgar Huntly[1] charmante, parce qu’il s’y trouve un Américain, un sauvage, un chat et un tomahawk, réunis d’une manière qui n’a jamais pu et qui ne pourra jamais se rencontrer, ne puisse digérer des descriptions où l’amour est autre chose qu’une passion brutale, le patriotisme autre chose qu’un trafic, et qui peignent des hommes et des femmes n’ayant pas de laine sur la tête[2] ; observation qui ne blessera pas, du moins nous osons l’espérer, notre excellent ami M. César Thompson[3], personnage qui sans doute est bien connu du petit nombre de ceux qui lisent cette introduction ; car personne ne jette les yeux sur une préface que lorsqu’il n’a pu parvenir à deviner, d’après l’ouvrage même, ce que l’auteur a voulu dire. Quant au motif qui est basé sur l’espoir de trouver un appui dans l’esprit national, nous devons avouer, et cet aveu nous fait presque rougir, que l’opinion que les étrangers se forment de notre patriotisme est beaucoup plus près de la vérité que nous n’affections de le croire quelques lignes plus haut. Enfin, et c’est la dernière raison qui nous reste à réfuter, y a-t-il tant d’avantages à placer le lieu de la scène en Amérique ? Nous avons à craindre que d’autres ne connaissent tout aussi bien leurs demeures que nous-mêmes, et cette familiarité même engendrera nécessairement le mépris. De plus, si nous faisons quelque erreur, tout le monde pourra s’en apercevoir.

Tout bien considéré, il nous semble que la lune serait l’endroit le plus convenable pour y placer la scène d’un roman moderne fashionable ; car alors il n’y aurait qu’un bien petit nombre de personnes qui pourraient contester la fidélité des portraits ; et si seulement nous avions pu nous procurer les noms de quelques endroits célèbres dans cette planète, nous nous serions sans doute hasardés à tenter l’épreuve. Il est vrai que lorsque nous communiquâmes cette idée au modèle de notre ami César, il déclara positivement qu’il ne poserait pas plus longtemps si son portrait devait être transporté dans une région aussi païenne. Nous com-

  1. Roman de C. B. Brown. – Tr.
  2. Tout le monde sait qu’on donne le nom de laine aux cheveux épais et crépus des nègres. – Tr.
  3. Nègre qui joue un grand rôle dans l’Espion.